La pleine exploitation des grands projets gaziers au Mozambique sur une vingtaine d’années pourrait rapporter plus de 90 milliards de dollars à ce pays d’Afrique australe. Pour éviter l’erreur stratégique de certains pays riches en ressources naturelles non renouvelables, la banque centrale mozambicaine propose un modèle de fonds souverain à créer avec les recettes générées par le gaz.
Banco de Moçambique a proposé au gouvernement un projet type de création d’un fonds d’investissement qui serait alimenté par les recettes d’exploitation gazière. Ici, on s’attend à une manne financière conséquente. La banque centrale mozambicaine évalue à environ 96 milliards de dollars le montant des recettes publiques que pourrait dégager -sur une vingtaine d’années d’exploitation- le mégaprojet de Gaz naturel liquéfié (GNL) développé par des compagnies mondiales de premier plan dont le groupe français Total, l’américain ExxonMobil et l’italien ENI.
« Maximiser » les 96 milliards de dollars de recettes publiques potentielles
Le fonds souverain mozambicain aurait une double mission. D’abord, celle d’accumuler des économies en maximisant la valeur du fonds, afin de garantir que la répartition sur plusieurs générations des revenus provenant des ressources naturelles non renouvelables à l’instar du gaz. Le deuxième objectif vise à faire en sorte que le fonds souverain contribue à la stabilisation budgétaire, afin de mettre le budget et l’économie à l’abri des effets néfastes de la fluctuation des prix des matières premières sur les marchés internationaux. D’autant que les ressources identifiées par la banque centrale intègrent, en plus du gaz, incluent le charbon notamment.
La banque centrale propose que contrairement à ce qui s’observe dans de nombreux pays, que la composante financement des infrastructures du fonds souverain soit intégrée au budget de l’Etat.
« L’expérience internationale montre que la création d’un Fonds souverain a été l’une des alternatives trouvées par certains pays riches en ressources naturelles non renouvelables pour une gestion adéquate et transparente des revenus naturels non renouvelables résultant de leur exploitation. […] Le principal défi est de savoir comment maximiser les gains tirés des revenus du gaz naturel et d’autres ressources naturelles non renouvelables et développer des institutions fonctionnelles et transparentes, sans atrophier l’économie », estime la banque centrale dans le document transmis au gouvernement et disponible sur son site web.
Une organisation « économique »
Sur le plan organisationnel, Banco de Moçambique propose que les organes de gouvernance du fonds souverain soient constitués de l’Assemblée nationale qui approuvera la loi régissant la future institution financière ainsi que son fonctionnement. Le ministère de l’Economie et des Finances -appelé à créer en son sein une unité technique de gestion stratégique des actifs- serait responsable de la politique d’investissement du fonds et de la gestion globale. La banque centrale se propose d’assurer la gestion opérationnelle du fonds souverain sur délégation statutaire du ministère et la mise en œuvre de la politique d’investissement. Ce serait, d’après la banque, le moyen de « rationnaliser les coûts », en s’appuyant sur des institutions existantes disposant des compétences dans la gestion des fonds.
Les ambitions d’une nation qui se rêve en major gazier mondial
Les réserves de gaz au Mozambique sont estimées à près de 277 milliards de pieds cubes. Avec son mégaprojet, le pays ambitionne de rejoindre le top 10 mondial et devenir le deuxième producteur de gaz naturel d’Afrique derrière le Nigéria.
Le projet tel que proposé par la banque centrale répond à une exigence du président Filipe Nyusi qui dès début 2020 a demandé la création d’un fonds souverain pour gérer au mieux les recettes découlant de l’exploitation gazière, afin que ces dernières bénéficient à tous les Mozambicains. Cependant, l’évolution de ce mégaprojet n’est pas sans brouille. Entre les objectifs organisations environnementales qui dénoncent un impact environnemental de ce projet sur les changements climatiques et l’insécurité non loin des régions gazières provoquée par les attaques de groupes islamistes, les entreprises investies dans les projets et le gouvernement doivent composer. Fin septembre à Washington, le président de la République a appelé à l’ONU à une coopération internationale afin de neutraliser la situation.
Pourtant sur une bonne trajectoire l’année dernière en dépit du cyclone qui avait frappé le pays, le Mozambique s’attend à une récession de l’ordre de 0,5% à 1% en 2020 en raison de la crise économique découlant de la pandémie du coronavirus. Si son mégaprojet gazier suscite l’intérêt à travers le monde et jette une forte lueur d’espoir sur l’avenir économique du pays, la création d’un fonds souverain pourrait effectivement être salutaire, à condition qu’il soit, dans les faits et sur le long terme, marqué du sceau de la transparence, comme propose le texte soumis au gouvernement par Banco de Moçambique.
Source: La Tribune Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée