Présente au We Love Green, le plus écolo des festivals hexagonaux, Nakabuye Hilda Flavia compte faire entendre la voix de l’Ouganda à l’international.
Si la Suède a Greta Thunberg, 16 ans, initiatrice de la lutte contre le changement climatique devenue icône mondiale, l’Ouganda a Nakabuye Hilda Flavia. Comme son homologue européenne, cette étudiante en économie de 20 ans seulement lance chaque semaine des appels à la grève dans le cadre des désormais célèbres « Fridays for Future » (les vendredis pour le futur), via l’université internationale de Kampala. Objectif pour Nakabuye Hilda Flavia et les milliers de jeunes activistes qui ont défilé partout dans le monde lors des marches mondiales pour le climat (15 mars et 24 mai 2019) : faire de cette problématique une priorité politique.
Un militantisme climatique précoce…
La militante rattachée à l’association Green Planet Africa a d’ores et déjà transmis des revendications concrètes au département responsable du changement climatique du ministère de l’Environnement ougandais. « Nous voulons déclarer l’urgence climatique et écologique en Ouganda, comme l’a fait le Parlement britannique début mai, inclure un volet obligatoire sur le changement climatique dans les programmes scolaires et réduire l’âge du droit de vote de 18 à 16 ans. » Rien de surprenant au vu de la moyenne d’âge des activistes. Leah Namugerwa, 14 ans, Bob Matovu, 17 ans, Warlda Mirembe, 16 ans… Autant d’étudiants encore mineurs qui interpellent le gouvernement Museveni sur la Toile à coup de hashtags en espérant un avenir meilleur pour leur pays à l’approche de la présidentielle de 2021.
… et justifié par la réalité ougandaise
Pourtant reconnu pour son climat stable et doux, avec des températures variant de 1 à 2 degrés au-dessus ou en deçà de 23 degrés, l’Ouganda est largement impacté par le dérèglement climatique. Les inondations et la pollution plastique font partie des problèmes majeurs du pays, mais c’est sans compter les hausses de température inhabituelles, lesquelles engendrent des périodes de sécheresse sur le territoire depuis plus d’un an. Et affectent la production végétale et la vie des animaux. « Mon père est originaire du village de Kyankole, à Masaka (NDLR : situé à l’ouest du lac Victoria). Nous avons pour habitude d’y retourner régulièrement avec ma famille. Lors de mon dernier séjour, j’ai constaté que l’ensemble des plantations était asséché et qu’il n’y avait plus aucune vache, déplore Nakabuye Hilda Flavia. Nous avons dû faire nos courses alimentaires dans une supérette, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. D’autant que la nourriture coûte très cher. » Ce fléau environnemental n’est donc pas sans conséquence pour l’économie du pays, qui repose essentiellement sur l’agriculture. D’après la Banque mondiale, le secteur agricole représente en effet plus 24,6 % du PIB total (avril 2019) et plus de 50 % de la valeur des exportations totales, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Nakabuye Hilda Flavia impliquée localement
Aussi, la jeune fille est en première ligne du mouvement et contribue au changement à travers des initiatives locales et participatives sur les réseaux sociaux. Avec le mouvement #7dayschallengeuganda (le défi des 7 jours en Ouganda), elle invite la jeunesse à la main verte à se mobiliser pour la planète, sur le terrain, comme dans le village de pêcheurs de Nakiwogo, bordant le lac Victoria, où de jeunes activistes se sont réunis pour planter des arbres. Pendant les mouvements de grève, c’est armée d’une pancarte « Sauvez notre planète, sauvez notre futur, les températures en Ouganda grimpent. Laissez mama Africa verte » qu’elle sensibilise les habitants. « Depuis qu’on a rejoint le mouvement impulsé par Greta Thunberg, les Ougandais sont de plus en plus nombreux à nous rejoindre, certifie l’étudiante. Les moins jeunes souhaitent aussi échanger via notre réseau pour s’informer, mais ils ont peur de manifester », concède-t-elle, consciente des répressions que peuvent subir les figures de l’opposition.
Une mobilisation croissante autour des questions d’environnement
En mars dernier, la mobilisation a rassemblé quelque 150 personnes à Kampala, selon Nakabuye Hilda Flavia, tandis que l’appel à la grève de mai a fédéré une dizaine de personnes de plus. Des chiffres en progrès, mais qui peuvent paraître dérisoires en comparaison avec les pays européens (des dizaines de milliers pour Paris, 10 000 à Berlin et à Londres en mars) ou l’Afrique du Sud (2 000 participants estimés devant le Parlement de Cap Town et un peu plus à Pretoria en mars dernier). L’Afrique, jusqu’à présent peu mobilisée, se montre toutefois prête à rejoindre la cause climatique. Aux côtés de l’Ouganda, donc, et de l’Afrique du Sud avec Pretoria, Cap Town et Durban, le Kenya (Nairobi) a doucement emboîté le pas. Pour autant, la militante écologiste tient à souligner que la lutte pour le climat demeure un mouvement global. « Il faut que les différents pays interagissent et s’unissent pour mieux faire entendre leurs voix par-delà les frontières géographiques », défend donc celle qui sera présente en France au festival We Love Green aux côtés d’autres représentants de la nouvelle génération climat.
Source: Le Point Afrique Par Eva Sauphie
Mis en ligne par: Lhi-tshiess Makaya-exaucée