Issu de zones de conflits et passé en contrebande, l’or est un métal difficile à tracer. Mais l’harmonisation des taxes entre pays africains pourrait être un premier pas.
Dans un rapport paru en février, l’ONG américaine The Sentry estime à 4 milliards de dollars les transactions annuelles d’or « à haut risque » provenant d’Afrique centrale et d’Afrique orientale sur les marchés internationaux, notamment vers les États-Unis, l’Inde, le Moyen-Orient, l’Europe et la Chine.
L’Ouganda, le Rwanda, la République démocratique du Congo (RDC), la République centrafricaine (RCA) et le Cameroun sont les États qui ont le plus besoin de s’attaquer à ce problème, juge l’ONG, qui préconise une meilleure collaboration entre les États-Unis, l’UE et les gouvernements africains pour harmoniser les taxes sur les exportations d’or afin de réduire la contrebande et de promouvoir l’or sans conflit.
Car si elle estime que « le commerce de l’or de la guerre ne sera jamais éliminé », l’ONG met en avant des fractures qui incitent à la contrebande : ainsi, l’Ouganda et le Cameroun appliquant des taxes sur l’or nettement inférieures à celles de la RDC ou de la Centrafrique, il est beaucoup plus rentable de faire passer la marchandise d’une zone à l’autre.
À Londres, une liste des « bons fournisseurs »
En outre, le rapport de The Sentry met en évidence un grave manque de financement pour l’exploitation minière artisanale sans conflit en Afrique centrale et en Afrique orientale, laissant la porte ouverte aux sources de financement illégitimes, et une « charge bureaucratique » qui pèse sur les exploitants miniers artisanaux. Un phénomène « exacerbé par la corruption gouvernementale », juge l’ONG.
Selon elle, les gouvernements donateurs devraient collaborer avec les ministères africains de l’exploitation minière afin de créer des politiques visant à formaliser l’activité des mineurs artisanaux. Parmi les mesures qu’elle préconise, la diminution des coûts d’enregistrement et le renforcement des droits de propriété.Read this article in english on
En novembre 2020, la London Bullion Market Association (LBMA) a publié des recommandations pour les grandes places d’échange de l’or comme Dubaï, avec trois objectifs principaux : augmenter l’approvisionnement responsable en or recyclé, l’éliminer les transactions en espèces et soutenir l’exploitation minière artisanale et à petite échelle.
L’association a notamment dressé des « Good Delivery Lists » (listes des bons fournisseurs) répertoriant les raffineurs qui respectent les normes de l’OCDE.
Absence de conséquences réelles pour les trafiquants
Pour The Sentry, il s’agit là d’un « premier pas » pour inciter les places commerciales à se conformer aux normes. Mais il reste encore beaucoup à faire pour que les entreprises de joaillerie et d’électronique cessent de s’approvisionner auprès de raffineurs qui ne peuvent pas présenter un audit indépendant crédible.
L’ONG déplore une « absence de conséquences réelles » pour les raffineurs et les négociants d’or impliqués dans des affaires de contrebande, à la différence de ce qui a pu se passer pour d’autres minerais de conflit.
L’or fait en effet partie avec l’étain, le tantale et le tungstène, des quatre principaux « minéraux de conflit », dont une équipe de recherche menée par l’économiste du CNRS Nicolas Berman a montré que l’exploitation augmente les risques de déclenchement de la violence, puis propage et perpétue la violence en renforçant les capacités financières de ceux qui se battent.
Entre 1997 et 2010, montre Berman, jusqu’à un quart des niveaux de violence dans les pays africains s’explique par la hausse des prix de l’or. Or, parmi ces minéraux de conflit, l’or est particulièrement difficile à traiter, car il est facile à passer en contrebande et à vendre pratiquement n’importe où. Lorsqu’il est raffiné, il perd toute trace de son origine et est commercialisé comme un produit standard.
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne:Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée