Devenu la bête noire du président Museveni depuis son entrée en politique en 2017, le chantre de la jeunesse risque la prison à perpétuité à la suite de nouvelles accusations.
Le célèbre chanteur ougandais Bobi Wine vient d’être accusé d’« ennuyer le président Museveni », selon son avocat, Asuman Basalirwa. Cinq nouveaux chefs d’accusation ont été prononcés contre lui ce mardi par un tribunal dans une affaire pour laquelle il est déjà inculpé de trahison – il est actuellement en liberté sous caution. Les faits remontent à août 2018 et au caillassage du convoi du chef de l’État Yoweri Museveni par des opposants en marge d’une élection législative partielle à Arua, dans le nord. Parmi ces nouvelles accusations figurent l’incitation à la violence, la désobéissance aux ordres légaux ou le non-respect du droit de passage, selon le quotidien ougandais The Daily Monitor. Des charges toutes niées par Bobi Wine – de son vrai nom Robert Kyagulanyi – ainsi que par les 36 autres suspects inculpés avec lui. La pop star, qui évoque un régime « en mode panique », risque une peine de prison à vie.
Candidat à la présidentielle
Surnommé le « président du ghetto » et chantre de l’« edutainment » (le « divertissement qui instruit » en anglais, NDLR), Bobi Wine avait annoncé le 24 juillet dernier son intention se briguer la présidence en 2021. Un candidat redoutable pour le président Yoweri Museveni, 75 ans dans quelques jours, qui vise un sixième mandat à la tête de l’État. Le chanteur l’avait défié d’« organiser des élections libres et équitables en 2021 » lors de l’annonce de sa candidature à Kampala. « Je suis juste un des millions d’Ougandais qui aspirent à quelque chose de mieux », déclarait-il récemment dans un reportage de la BBC.
Forte popularité en Ouganda et à l’étranger
L’homme, qui arbore un béret et une combinaison rouges, n’est pas tout à fait novice en politique. Il a fait son entrée au Parlement en juin 2017 (avec 77 % des voix) en tant que représentant de son mouvement, le People Power (« le « pouvoir du peuple »). Dans ce pays où les trois quarts des habitants ont moins de 30 ans, il est adoubé de la jeunesse, dont il s’est fait le porte-drapeau. Il confiait en 2017 à la BBC vouloir « redonner confiance » à cette jeune génération. Diplômé de l’université de Makéréré, celui qui a grandi dans le bidonville de Kamwokya (où il a gardé son studio d’enregistrement) est aussi décrit dans de nombreux médias comme un orateur captivant. Enfin, ses déboires avec la justice ougandaise ont également montré qu’il pouvait bénéficier d’appuis à l’étranger. Le 14 août 2018, alors qu’il venait soutenir un allié lors de cette fameuse élection législative partielle d’Arua, il avait subi une arrestation musclée, avant d’être incarcéré. Parmi les signataires d’une pétition réclamant sa libération figuraient de nombreux artistes internationaux, tels qu’Angélique Kidjo, Damon Albarn, Peter Gabriel, Femi Kuti…
Climat de répression
Ces nouvelles accusations à l’encontre de Bobi Wine interviennent deux jours après que l’universitaire et militante ougandaise Stella Nyanzi a été condamnée à dix-huit mois de prison pour harcèlement sur Internet du président Museveni. Une condamnation qui fait suite à une publication de novembre 2018 dans laquelle cette adepte du « radical rudeness » (« impolitesse radicale » en anglais) regrettait, dans un langage cru, que le président Museveni ait vu le jour. Figure très connue des milieux féministes africains, Stella Nyanzi s’était aussi attaquée en 2017 à la ministre de l’Éducation et des Sports Janet Museveni – épouse du président ougandais – en lui reprochant de ne pas avoir tenu sa promesse de fournir gratuitement des serviettes hygiéniques aux jeunes filles scolarisées.
« Nous sommes résolus à travailler encore plus dur pour mettre fin à cela », tweetait ce lundi Bobi Wine en référence, cette fois, à une autre affaire : le décès de son « ami » Ziggy Wine. Chanteur, blogueur, militant de l’opposition, il a succombé à des blessures et des tortures infligées par ses ravisseurs. Un enlèvement sur lequel la police a déclaré avoir ouvert une enquête. La famille du défunt, quant à elle, soupçonne l’État d’y avoir participé.
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée