En Érythrée, c’est une conséquence de l’accord de paix historique signé avec l’Ethiopie en juillet dernier : le retour des institutions internationales dans l’un des pays les plus fermés du monde. Une mission du Fond monétaire internationale, le FMI, s’est ainsi rendue à Asmara du 13 au 22 mai derniers pour la première fois en dix ans. L’objectif était de reprendre contact avec les responsables du régime et faire une évaluation de la situation économique. Après deux ans de guerre suivie par 20 ans d’isolement, le FMI estime que l’Érythrée est dans une « situation économique difficile ».
3,8% de croissance projetés pour 2019, et 9% d’inflation, pour une population estimée à 6 millions de personnes. Voilà pour les chiffres. Mais ce ne sont pas des statistiques que sont allés recueillir les envoyés du FMI en Érythrée. Il est vrai pourtant que le régime d’Asmara n’a pas pour habitude de faire connaître les indicateurs de son économie. Il s’agissait avant tout de prendre langue avec le gouvernement d’un des pays les pauvres d’Afrique, et d’évaluer la situation avec lui.
La conclusion du FMI est claire : malgré des « progrès remarquables » en termes d’éducation et de santé, l’Érythrée est dans « une situation économique difficile » après des années d’isolement et la gestion des problèmes uniquement par « des mesures d’urgence ».
Trop de dettes, pas assez de rentrées fiscales
La plus grande partie de la population se nourrit du fruit de son agriculture, qui dépend de la pluie, souligne le FMI, et le budget connu de l’État s’appuie sur les revenus du secteur minier, géré en coentreprise de manière opaque avec des multinationales étrangères. Deux réalités qui exposent l’Érythrée à des « chocs », souligne encore l’institution.Et puis enfin le niveau d’endettement public, dû à des rentrées fiscales insuffisantes, et un secteur bancaire défaillant, fragilisent encore un peu plus une situation encore pleine de zones d’ombre.
Mais tout cela ne révèle pas grand chose de l’état réel des finances du pays, ni non plus de la manière très particulière avec laquelle l’Érythrée est gouvernée économiquement. « Pour autant que je le sache, – et j’ai été impliqué dans ce type de discussions quand j’étais encore en Erythrée – ce rapport a été écrit uniquement pour faire plaisir au régime érythréen. Il ne sont pas rentrés dans les détails. Quelle est la situation économique réelle ? Quels sont les défis à surmonter ? Ils ont essayé de mettre la situation économique en rapport avec la question de la frontière, avec l’accord de paix avec l’Ethiopie… bref, des choses qui n’ont rien à voir avec le problème principal du pays » a expliqué au micro de RFI Nemariam Kiflom, un ancien haut responsable de la Banque centrale d’Érythrée vivant désormais en exil en Europe.
Le premier responsable du délabrement économique de l’Érythrée, c’est l’implication profonde du parti unique. C’est le parti qui contrôle tout. Il n’existe pas de secteur privé. Il n’existe aucune politique réelle, qu’elle soit monétaire ou fiscale. C’est une économie très particulière, c’est un pays très particulier. Un pays qui ne peut pas être expliqué avec les standards internationaux ou les critères économiques conventionnels. Tout est sous le contrôle d’un seul homme, en réalité. J’y étais, j’ai tout vu. Ce rapport du FMI n’a pas beaucoup de sens. C’est triste qu’une institution aussi prestigieuse et sérieuse que le FMI ponde un rapport pareil. L’économie érythréenne est dirigée par un commandement central.
Nemariam Kiflom, ancien haut responsable de la Banque centrale d’Érythrée31-05-2019 – Par Léonard Vincent
Source: Rfi Par Léonard Vincent
Mis en ligne par: Lhi-tshiess Makaya-exaucée