La veille, les deux belligérants ont annoncé séparément qu’ils suspendent leur participation au dialogue, invoquant des raisons différentes.
La Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul) a confirmé hier le lancement des pourparlers politiques interlibyens à Genève aujourd’hui, rapporte l’AFP citant un responsable onusien. Le lancement «du dialogue politique débutera demain (aujourd’hui, ndlr) comme prévu», a indiqué hier le porte-parole de la Manul, Jean Al Alam.
Ainsi, les pourparlers seront entamés aujourd’hui. Ils incluront 13 représentants du parlement pro-Haftar, 13 représentants du Haut conseil d’Etat et des personnalités invitées par l’émissaire de l’Organisation des Nations unies (ONU), Ghassan Salamé. Ils visent notamment à mettre fin aux divisions et former un nouveau gouvernement unifié.
Lundi, les deux camps rivaux libyens, invités par l’ONU à des pourparlers politiques à Genève, ont annoncé séparément avoir suspendu leur participation au dialogue, invoquant des raisons différentes.
Le Parlement basé dans l’est du pays qui appuie le maréchal Khalifa Haftar a annoncé qu’il ne participerait pas à la réunion, parce que la Manul n’a pas approuvé la totalité de ses 13 représentants. Son rival, le Haut conseil d’Etat (équivalent d’un sénat) qui soutient le gouvernement d’union nationale (GNA) basé à Tripoli a indiqué, de son côté, qu’il préfère attendre qu’un progrès soit réalisé dans les négociations militaires.
«Si la mission onusienne insiste pour organiser la réunion politique à la date prévue avant de connaître les conclusions du dialogue militaire, le Haut conseil d’Etat ne se considère pas tenu par les conclusions du dialogue politique», a déclaré, lors d’une conférence de presse, le président du conseil Khaled Al Mechri.
Une commission militaire conjointe constituée de dix hauts responsables militaires, cinq pour chaque camp, s’est réunie jusqu’à dimanche à Genève. Elle est parvenue à un «projet d’accord de cessez-le-feu» qui doit être finalisé en mars, selon la Manul. «Les deux parties ont convenu de présenter le projet d’accord à leurs dirigeants respectifs pour de nouvelles consultations et de se réunir à nouveau le mois prochain pour reprendre les discussions», a indiqué la Manul dans un communiqué.
Le même jour, le chef du GNA, Fayez Al Sarraj, a qualifié, à Genève, son adversaire, le maréchal Khalifa Haftar, de «criminel de guerre», et dénoncé l’inaction internationale face aux violences dans son pays. «Le monde entier a pu assister à l’escalade des hostilités, aux attaques contre la capitale Tripoli depuis le 4 avril 2019.
Et jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons pas vu d’action de la communauté internationale», a-t-il déclaré devant le Conseil des droits de l’homme.
Comme il a dénoncé les «violations flagrantes des droits humains qui se poursuivent et qui ont entraîné le décès de milliers de personnes et le déplacement de centaines de milliers de personnes».
Et d’ajouter : «Nous avons demandé à plusieurs reprises à ce que des commissions d’enquête soient installées pour suivre les violations les déplacements forcés, les détentions arbitraires, les meurtres extrajudiciaires.»
Sempiternel imbroglio
Depuis 2015, deux autorités rivales se disputent le pouvoir en Libye : le GNA, reconnu par l’ONU et basé à Tripoli, et un pouvoir incarné par Khalifa Haftar dans l’Est. Une trêve est observée, mais régulièrement violée, depuis le 12 janvier aux portes de la capitale libyenne entre les pro-GNA et les pro-Haftar.
Ces derniers ont lancé en avril 2019 une offensive pour s’emparer de Tripoli. «Nombreux sont ceux qui ont perdu leur vie, des femmes, des enfants, des personnes âgées, des familles ont été déplacées, des enfants se sont retrouvés orphelins du fait des agressions commises par les criminels de guerre ou le criminel de guerre, monsieur Haftar», a observé Fayez Al Sarraj.
Il a dénoncé les attaques «aveugles» menées contre des infrastructures publiques, comme les aéroports et les hôpitaux, réclamant que «ceux qui les financent et ceux qui fournissent des armes aux auteurs de ces attaques soient tenus pour responsables».
En conférence de presse à Genève, le chef de la diplomatie libyenne, Mohamed Taha Syala, a demandé de son côté la reprise des opérations pétrolières dans le pays, bloquées par les pro-Haftar, et déploré l’inaction internationale face à cette situation. La communauté internationale, a-t-il déclaré, doit «ordonner l’ouverture des champs pétrolifères et des ports pour nourrir le peuple libyen».
En visite à Moscou, le maréchal Haftar a prévenu vendredi qu’il s’opposerait militairement «aux envahisseurs turcs», Ankara soutenant le gouvernement de Tripoli, si les pourparlers interlibyens visant à établir un cessez-le-feu durable échouent.
«Si les négociations à Genève ne débouchent pas sur la paix et la sécurité dans notre pays, que les mercenaires ne repartent pas d’où ils viennent, alors les forces armées (de Khalifa Haftar) rempliront leur devoir constitutionnel (…) de défense face aux envahisseurs turco-ottomans», a-t-il dit à l’agence de presse russe Ria Novosti.
La Turquie du président Recep Tayyip Erdogan soutient Al Sarraj, avec lequel elle a signé, en novembre 2019, des accords de coopération militaire, sécuritaire et maritime.
Les deux hommes se sont rencontrés à Istanbul jeudi. Le maréchal Haftar a accusé les deux dirigeants de ne pas respecter les engagements issus d’une conférence internationale en début d’année à Berlin, lors de laquelle la communauté internationale s’est engagée à ne pas s’ingérer dans le conflit libyen. «Notre patience atteint ses limites», a-t-il déclaré.
Pour lui, les pourparlers de Genève ne pourront aboutir qu’en cas de «retrait des mercenaires syriens et turcs, la fin des livraisons d’armes de la Turquie à Tripoli, et la liquidation des groupes terroristes».
Le même jour, le président turc Recep Tayyip Erdogan a confirmé pour la première fois la présence de combattants syriens supplétifs d’Ankara en Libye pour soutenir le gouvernement de Tripoli face aux forces de Khalifa Haftar.
Source: El Watan /Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée