L’armée béninoise est intervenue pour disperser une nouvelle manifestation, jeudi, à Savè dans le centre du pays. Un premier bilan fait état d’un mort par balles et de six blessés. Depuis lundi, les manifestants protestent contre la « confiscation » de l’élection présidentielle par le président sortant Patrice Talon.
La situation se tend au Bénin à trois jours de l’élection présidentielle. Au moins une personne a été tuée par balles et six ont été blessées, jeudi 8 avril, lors d’une intervention de l’armée pour disperser des manifestants qui protestaient contre la « confiscation » de l’élection présidentielle de dimanche par le président sortant Patrice Talon.
« Nous avons reçu un cas de mort par balle et six personnes blessées par balles », a affirmé à l’AFP José Godjo, le directeur du dispensaire de Boni, un quartier de la ville de Savè, dans le centre du pays.
Selon des témoins, les militaires ont d’abord fait usage de grenades lacrymogènes, puis « tiré en l’air » pour disperser les manifestants, avant de dégager la chaussée.
« Les militaires sont arrivés » le matin, a expliqué à l’AFP le maire de la ville, Denis Oba Chabi. « On m’a informé qu’ils ont tiré à balles réelles et qu’il y avait des blessés. Alors j’ai pris mon véhicule pour venir au dispensaire, et ce que j’ai vu est terrible. De mes yeux, j’ai vu trois blessés par balles, et une personne qui est morte », a-t-il ajouté.
« Personne ne fait aucun bilan actuellement. L’armée s’occupe de rétablir la quiétude dans les localités où il y a menace à la paix et sur les édifices publics », a commenté un haut gradé de l’armée, interrogé par l’AFP.
Des routes coupées
Depuis le début de la semaine, de nombreuses manifestations ont touché le nord et le centre du Bénin, où la route principale qui descend vers la capitale économique Cotonou a été coupée par des électeurs mécontents de l’absence de l’opposition au scrutin présidentiel.
La réélection de Patrice Talon, ancien magnat du coton arrivé au pouvoir en 2016 et qui a engagé ce pays ouest-africain dans un tournant autoritaire, fait peu de doutes : ses adversaires sont deux candidats quasiment inconnus du public, les anciens députés Alassane Soumanou et Corentin Kohoué. Tous deux sont taxés « de candidats fantoches » par la plupart des opposants béninois, qui n’ont pas été autorisés à se présenter.
« Depuis le retour du multipartisme en 1990, c’est la première fois que le pays organise une élection présidentielle comme celle-ci : pluraliste en apparence, mais sans choix en réalité », explique à l’AFP Expédit Ologou, politologue béninois.
Les grandes figures de l’opposition sont en exil ou condamnées à des peines d’inéligibilité. D’autres ont vu leur candidature recalée par la Commission électorale car ne disposant pas d’un nombre suffisant de parrainages (154 des 159 élus béninois appartiennent à la mouvance présidentielle).
Un pays coupé en deux
Une dirigeante de l’opposition a été incarcérée en mars, accusée d’avoir voulu faire assassiner des personnalités politiques. Il y a quelques jours, un juge d’un tribunal spécial anti-corruption s’est enfui du pays, affirmant avoir subi des pressions du pouvoir pour inculper des opposants.
Les autorités ont dénoncé « une manipulation politique » et accusé des personnalités à l’étranger de tenter de faire annuler l’élection et même de lancer des appels au coup d’État.
« Le 11 avril, personne n’est sûr de ce qu’il va se passer. À cette allure, on ne sait pas si la partie septentrionale du pays pourra vraiment voter », souligne Expédit Olougou. Dans le sud du pays, la campagne se déroule normalement, presque sans heurt. Certains Béninois déplorent même une campagne sans ferveur.
Source: France 24/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée