Alors que ses voisins ont tous déclaré des cas de coronavirus et, pour certains, fermé leurs frontières, le Burundi n’a recensé aucun malade. Du côté des ONG et de l’opposition, certains s’inquiètent du maintien des rassemblements, à un mois du début de la campagne électorale pour l’élection présidentielle, censée s’ouvrir le 27 avril.
Jusqu’ici, tout va bien. Alors que les cas de coronavirus continuent d’être signalés à travers le continent, le Burundi n’a pour le moment déclaré aucune contamination à l’intérieur de ses frontières. Il est un des rares pays dans ce cas, avec notamment le Botswana, le Malawi, le Lesotho, les Comores, ou encore le Soudan du Sud.
Tandis que ses trois voisins, le Rwanda, la RDC et la Tanzanie ont tous fait état de plusieurs dizaines de cas – Kigali et Kinshasa ont même respectivement décidé de la fermeture des frontières et l’isolement de la capitale en RDC -, la situation au Burundi fait pour l’instant figure d’exception dans la région des Grands Lacs.
La Tanzanie a néanmoins déclaré jeudi 26 mars un 13e cas de coronavirus, précisant qu’il s’agissait d’un chauffeur de camion en provenance de la RDC et du Burundi. Les autorités burundaises ont annoncé qu’une enquête était en cours pour vérifier l’information et savoir si l’individu en question avait été en contact avec des Burundais.
Maintien des rassemblements
« Il semble très peu probable, alors que tous les voisins sont touchés, que le Burundi fasse exception dans la région. L’absence de réelles mesures et de tests, en dehors de la prise de température à l’aéroport et de la mise en quarantaine de certains passagers, fait qu’on ne peut pas prétendre assurer un suivi sérieux des cas potentiels », estime Gabriel Rufyiri, président d’Olucome, organisation spécialisée dans la lutte contre la corruption.
De son côté, le gouvernement burundais assure avoir pris les dispositions nécessaires. Le ministre de la Santé, le Dr Thaddée Ndikumana, a déjà décrété plusieurs mesures. Parmi celles-ci : la suspension pour une semaine des vols en direction de l’aéroport Melchior Ndadaye ou encore, depuis le 12 mars, la quarantaine obligatoire pour 14 jours des voyageurs en provenance ou ayant séjourné dans des pays jugés à risque. Le Burundi fait aussi partie des pays concernés par l’envoi de matériel affrété par le milliardaire chinois Jack Ma, patron d’Alibaba.
Mais, en dépit du risque de propagation de l’épidémie, les autorités ont pour le moment fait le choix de maintenir les rassemblements politiques et sportifs. L’église burundaise, qui joue un rôle central dans le pays, a également maintenu ses rassemblements, malgré l’embarras de certains évêques.
Compte à rebours avant le vote
À un mois du début de la campagne pour les élections du 20 mai, la présidence se veut tout aussi rassurante. Et précise que le pays dispose, comme ses voisins, d’un plan de riposte prêt à être exécuté. Jeudi 26 mars, celui n’avait toutefois pas été rendu public.
« Le Burundi est une exception parmi d’autres nations, car c’est un pays qui a donné à Dieu la première place, un Dieu qui le garde et le protège de tout malheur. Ce n’est pas la première fois que le monde est frappé par une calamité, mais, à chaque fois, le Burundi a été épargné », a expliqué le porte-parole de la présidence, Jean-Claude Karerwa Ndenzako, dans une interview à la BBC en kirundi.
À l’heure où la plupart des pays renforcent les mesures de confinement et de distanciation sociale, le Burundi n’a pour l’instant pas l’intention de modifier le calendrier électoral. « Les autorités font preuve d’entêtement. Pour elles, ces élections doivent se tenir quoi qu’il arrive. Mais nous devons réaliser que nous faisons face à un cas de force majeure », assure Gabriel Rufyiri. À l’inverse, le principal candidat de l’opposition, Agathon Rwasa, estime qu’un report ne serait pas souhaitable, car « cela créerait un vide institutionnel ».
EN CAS D’ÉPIDÉMIE, LES STRUCTURES ACTUELLES NE SERONT PAS SUFFISANTES
Fixée au 20 mai prochain, l’élection présidentielle, à laquelle Pierre Nkurunziza ne se présentera pas, a selon les autorités, été entièrement financée par les Burundais sur la base d’une campagne de « contributions volontaires » débutée en 2017, et dont Human Rights Watch a dénoncé les abus. « Aujourd’hui, ces élections sont devenues une question de fierté », dénonce un cadre de l’opposition.
« Il faut aussi être strict sur les quarantaines »
Face à ces inquiétudes, la représentation de l’OMS au Burundi tient elle aussi à rassurer. « Les autorités ont déjà mis en place certaines mesures, dont des fiches de renseignements des passagers, ou une quarantaine de quatorze jours pour certains voyageurs », assure Walter Kazadi Mulombo, représentant de l’OMS au Burundi. « De notre côté, nous avons mis une équipe à disposition des autorités pour être réactifs dans l’éventualité de cas déclarés ». Parmi les infrastructures en première ligne, le centre Mudubugu, situé au nord de Bujumbura et construit par l’OMS pour accueillir d’éventuels cas d’Ebola, dispose de 24 lits.
« En cas d’épidémie, les structures actuelles ne seront pas suffisantes », prévient un représentant du secteur de la santé. « Il faut faire dans l’anticipation permanente et renforcer les moyens de test. La fièvre n’étant pas forcément le premier symptôme, on ne peut pas se contenter de dire que la prise de température est une mesure de prévention suffisante. Il faut aussi être strict sur les quarantaines », poursuit cette source.
L’Olucome a par ailleurs dénoncé des entorses au confinement. Selon l’ONG, plusieurs personnes censées être isolées pendant 14 jours à l’hôtel Source du Nil – l’un des principaux établissements de la capitale économique réquisitionnés depuis début mars – auraient quitté leur quarantaine au bout d’une dizaine de jours. Ce que les autorités réfutent.
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée