Dimanche se tient le second tour de l’élection présidentielle au Niger. Le candidat du pouvoir, Mohamed Bazoum, sorti largement vainqueur du premier round, affronte l’ancien président Mahamane Ousmane, dans un duel historique qui marquera la première transition démocratique du pays depuis son indépendance
« Depuis dix ans, j’ai essayé d’assurer la sécurité des Nigériens et de renforcer les institutions démocratiques. Je ne me présenterai pas à un troisième mandat car c’est une promesse que j’ai fait au peuple nigérien », expliquait, en octobre dernier, le président Mahamadou Issoufou dans un entretien à France 24.
La promesse a été tenue et le pays se dirige désormais vers la première transition démocratique de son histoire, marquée par plusieurs coups d’États.
Dimanche 21 février, lors du second tour de l’élection présidentielle, les Nigériens devront choisir entre l’ancien ministre de l’Intérieur Mohamed Bazoum, arrivé premier lors du scrutin du 27 décembre avec 39,30 % des voix, et son rival, l’ancien président Mahamane Ousmane, qui a emporté 16,98 % des suffrages. Une élection historique, qui marquera la fin des dix années de présidence de Mahamadou Issoufou.
Mohamed Bazoum, le favori
Le grand favori du scrutin, Mohamed Bazoum, 61 ans, est le candidat du parti au pouvoir, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), dont il est l’un des membres fondateurs tout comme l’actuel président, Mahamadou Issoufou. Élu plusieurs fois député, il dirige à deux reprises le ministère des Affaires étrangères puis devient ministre de l’Intérieur, poste qu’il quitte en juin 2020 pour se consacrer à sa campagne.
« Son slogan en dit long : ‘Après nous, c’est nous' », souligne le journaliste de France 24 Cyril Payen, qui a suivi le candidat lors d’un reportage. « Il s’inscrit dans la continuité, c’est le bras droit du président sortant ; un homme du sérail qui connaît très bien les dossiers, notamment sécuritaires. Il en a d’ailleurs fait son cheval de bataille durant la campagne. »
Après un large succès aux municipales du 13 décembre, le parti présidentiel espérait voir son poulain remporter la majorité des voix dès le premier tour – le « coup KO », comme on l’appelle au Niger. Un espoir finalement déçu, même si Mohamed Bazoum obtient une franche victoire avec 39,30 % des voix. « Nous avons un rapport de force très favorable », soulignait-il alors, tout en précisant que rien n’était encore joué.
Mahamane Ousmane, le challenger
Dans cette dernière ligne droite de la course à la présidentielle, Mohamed Bazoum fait face à une figure politique bien connue du peuple nigérien. Mahamane Ousmane, 71 ans, a dirigé le pays de 1993 à 1996. Un mandat abrégé par un coup d’État militaire qui le force à quitter le pouvoir. Ce social-démocrate féru d’économie a été président de l’Assemblée nationale au Niger, puis président du Parlement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). L’année 2020 signe son grand retour en politique en tant que candidat présidentiel du parti d’opposition Renouveau démocratique et républicain (RDE-Tchanji).
Pourtant distancé de plus de 20 points au premier tour, l’ancien président est loin de s’avouer vaincu : « Mes chances sont énormes, ce vote du second tour, je peux affirmer que je vais le gagner », déclarait-il lundi sur RFI. Alors que le président sortant avait garanti une élection libre et transparente, Mahamane Ousmane dénonce lui des fraudes lors du premier tour : « Ce résultat a été annoncé par la Céni (Commission électorale nationale indépendante). L’opposition n’était pas à la Céni et c’est pour cela que vous avez ces chiffres bidon », s’est-il indigné, assurant qu’il ne laisserait pas cette situation se reproduire dimanche. De son côté, le parti présidentiel a dénoncé des accusations mensongères, affirmant que l’opposition a bien été représentée auprès de la commission électorale.
Passe d’arme sécuritaire
Autre sujet de friction et non des moindres : l’insécurité grandissante, alors que le Niger fait face à une recrudescence d’attaques de Boko Haram et de groupes terroristes affiliés à Al-Qaïda. C’est ce terrain qu’a choisi Mahamane Ousmane pour lancer sa campagne de second tour. Depuis la région de Tillaberi, frontalière avec le Mali, où au moins 100 villageois ont été massacrés lors d’une attaque jihadiste le 2 janvier, il a dénoncé avec force l’inaction du gouvernement : « Les autorités actuelles ont démissionné devant leur devoir d’assurer une riposte adéquate avec des moyens convenables contre ce banditisme armé qui sévit dans notre pays. »
De son côté, Mohamed Bazoum se pose en homme d’expérience et défend le bilan du gouvernement en matière de sécurité. Le candidat de la majorité pointe du doigt des attaques orchestrées par des groupes étrangers, estimant qu’il n’existe pas de mouvement de rébellion au Niger.
Fort de sa victoire au premier tour, il a depuis obtenu le soutien de deux candidats de choix, Seyni Oumarou et Albadé Abouba, arrivés respectivement troisième et quatrième du scrutin. Des ralliements qui pourraient s’avérer cruciaux lors du vote dimanche.
Source: France 24/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée