PRÉSIDENTIELLE AU TOGO : La Cédéao, du deux poids deux mesures

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Le peuple togolais est allé aux urnes samedi 22 février 2020. Les Togolais se sont largement exprimés en faveur du candidat du Mouvement patriotique pour le développement et la démocratie (Mpdd), Agbéyomé Kodjo. Cependant les premières tendances annoncées par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), donnent le président sortant vainqueur. Si la décision de la Céni a  suscité l’émoi avec des condamnations qui fusèrent de toute part, la position de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), reste ambiguë. Contrairement à ses actions courageuses ayant abouti au rétablissement de la vérité des urnes en Gambie lorsque Yaya Jammeh s’est mis au travers de la volonté du peuple, la Cédéao dans le cas du Togo s’est contentée  de laisser l’initiative à la Céni et à la cour constitutionnelle, deux institutions reconnues pour être à la solde du pouvoir et par conséquent  au parti présidentiel de décider de l’issue du scrutin. Une décision qualifiée de deux poids deux mesures par les Togolais et autres observateurs de la vie politique du pays.

72,36 %, c’est le score dont a crédité la Céni Togo, le président sortant, Faure Gnassingbé, à l’issue du scrutin présidentiel du 22 février dernier. Un résultat contesté par l’ensemble de la classe politique de l’opposition togolaise, mais également par la communauté internationale qui dénoncent un hold up électoral, le peuple togolais s’étant largement exprimé en faveur du candidat Agbéyomé Kodjo. Des réactions se sont succédées au secours de la victoire du candidat du Mouvement patriotique pour le développement et la démocratie (Mpdd), qui en réalité est celle du peuple togolais. Les principaux candidats notamment Fabre, Gogué, Wolou ont sans ambages contesté les résultats et par la même occasion, la victoire soviétique du président sortant. Ils ont été suivis par plusieurs partis qui n’ont pas pris part à la présidentielle en l’occurrence le Comité d’action pour le renouveau, (Car), le Parti des togolais, (Pt) et le Parti national panafricain (Pnp) qui ont reconnu la victoire sans ambages Kodjo. De nombreuses informations venant de diverses chancelleries ainsi que de diplomates confirment sa victoire, en l’occurrence celle  des États-Unis d’Amérique dont la prise de position a été sans précédent et dont l’ambassadeur au Togo a, dans un communiqué  « encouragé la Commission électorale nationale indépendante (Céni) à travailler de manière constructive avec toutes les parties pour traiter toute réclamation concernant toute irrégularité constatée le jour du scrutin », et recommandant par la même occasion « la  publication des résultats bureau de vote par bureau de vote afin d’accroître la confiance de tous en les résultats finaux ». L’ancien et très influent Secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines (1989 à 1993) lui dénonce des résultats qui ont « fait l’objet de manipulations et de fraudes ». La commission électorale devrait faire un recomptage honnête sous observation internationale pour permettre une confiance du peuple togolais en les résultats, avait écrit  Herman Jay Cohen dans un tweet. La conférence des évêques du Togo doute elle aussi de la sincérité du scrutin.

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La Ccedeao, du deux poids deux mesures

Lorsqu’en Gambie, le président sortant avait  contesté le résultat de l’élection présidentielle du 1er décembre 2016, les réactions de condamnations se sont multipliées dans les pays voisins et les organisations régionales ou internationales. La présidente de la Commission de l’Union africaine a déclaré « nulle et vide » la déclaration de Yahya Jammeh. Nkosazana Dlamini Zuma l’a exhorté fortement à « faciliter une transition pacifique et à transférer son pouvoir » à Adama Barrow, le candidat élu. 19 janvier 2017, Conseil de sécurité de l’Orgqnisation des Nations Unies (Onu) a adopté une résolution demandant à Yahya Jammeh, de mener un processus de « transition pacifique et ordonné », et de transférer le pouvoir, au nouveau Président, Adama Barrow, conformément à la Constitution gambienne. Toutes les actions concourant à la réalisation de cet objectif avaient été coordonnées parlaCommunauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). La 50ème session ordinaire de l’organisation régionale réunie samedi 17 décembre 2016, à Abuja au Nigeria était prioritairement consacrée au sujet. « Nous souhaitons que le processus de médiation entamé autour du président nigérian Muhammadu Buhari aboutisse, mais nous n’excluons pas une intervention armée si Yahya Jammeh ne libère pas le pouvoir avant la date fixée », avait déclaré le regretté Marcel de Souza, président de la Commission de la Cédéao au sortir de la rencontre. Un leadership salué parLe Conseil de sécurité de l’Onu qui a exprimé son « soutien sans réserve » à la Cedeao dans l’engagement qu’elle a pris de « garantir, en privilégiant les moyens politiques, le respect de la volonté du peuple gambien, telle qu’elle ressort des résultats de l’élection présidentielle du 1er décembre ». Dès lors, la vérité des urnes fut rétablie en Gambie sous l’égide de la Cédéao.

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Au Togo comme en Gambie

Contrairement à ses actions courageuses entreprises contre Yaya Jammeh en Gambie, c’est le mutisme qu’a adopté la Cedeao face à la nouvelle crise post-électorale au Togo. La communauté a fait l’option de se plier aux décisions de la Commission électorale nationale indépendante et de la Cour constitutionnelle dans la proclamation des résultats du scrutin présidentiel du 22 février au Togo. Une position qui laisse perplexe, tant il est connu de tous que les membres des deux organisations citées supra appartiennent pour la plupart au parti au pouvoir, proche de Faure Gnassingbé donc. Cette ambivalence de la Cédéao fait douter de l’impartialité  de la communauté dans la crise togolaise. Si la Cédéao a pu mener des actions conséquentes en Gambie dans une situation similaire, qu’est-ce qui pourrait l’empêcher de jouer le même jeu au Togo ? Les résultats de la présidentielle togolaise du 22 février sont connus de tous. Le vote a tourné en faveur du candidat Agbéyomé Kodjo. En témoigne la réaction unanime de condamnation de l’ensemble des formations politiques de l’opposition togolaise et de la communauté internationale, lorsque la Céni a attribué les 72,36 % du scrutin à Faure Gnassingbé, le déclarant élu au premier tour. Comme en Gambie, la Cédéao est appelée à intervenir au Togo en vue de rétablir la vérité des urnes et de permettre au peuple togolais de jouir pour une fois, des fruits de son droit de vote. Autrement, elle se serait discréditée aux yeux de la communauté internationale.

Thomas Azanmasso, Tribune Afrique

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