Le magnat des médias, arrivé deuxième lors du premier tour du scrutin, a été placé en détention préventive pour blanchiment d’argent et évasion fiscale le 23 août.
A moins de deux semaines du second tour de l’élection présidentielle, la cour d’appel de Tunis a rejeté mardi 1er octobre une nouvelle demande de libération de Nabil Karoui, l’un des deux candidats, a fait savoir à l’Agence France-Presse son avocat Kamel Ben Messoud.
Un des responsables du parti de M. Karoui, Oussama Khlifi, a réagi dans la presse locale à cette décision : « Nous ne doutons pas de la justice, mais la catastrophe et la mascarade continuent et menacent le processus démocratique. »
Poursuivi depuis 2017 pour blanchiment d’argent et évasion fiscale, le magnat des médias Nabil Karoui a été placé en détention préventive le 23 août, et toutes les demandes de libération ont été rejetées jusque-là. La date de son arrestation, dix jours avant le début de la campagne, a suscité des interrogations, alors que sa candidature avait été validée par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), chargée de la gestion, de l’organisation et de la supervision du scrutin.Lire le portrait : Nabil Karoui, le Rastignac des médias
« Les tribunaux pourraient annuler le scrutin »
Le porte-parole de Nabil Karoui, Hatem Mliki, a réclamé que le scrutin soit suspendu tant que le candidat est en prison. « Le second tour ne se déroulera que lorsque Nabil sera libre », a-t-il souhaité. « Nos adversaires politiques essaient d’utiliser tous les moyens (…) pour refuser une passation pacifique du pouvoir », a-t-il accusé en allusion à ses concurrents aux législatives, dont le parti d’inspiration islamiste Ennahdha.
L’ONG International Crisis Group (ICG) a elle estimé que la décision de justice pouvait mettre « en péril tout le processus électoral ». « Cela mine la légitimité politique. S’il est encore en prison après le 2 ou 3 octobre, les tribunaux pourraient annuler tout le scrutin. »
Le parti de M. Karoui, Au cœur de la Tunisie, mais aussi l’ISIE et les observateurs européens avaient déjà appelé à ce que le candidat incarcéré puisse faire campagne de façon équitable pour le second tour de la présidentielle.
Avec 15,58 % des voix, Nabil Karoui est arrivé en deuxième position du premier tour qui s’est tenu le 15 septembre. Il doit affronter le 13 octobre le juriste Kaïs Saïed (18,40 % des voix). Agé de 56 ans, patron de la chaîne Nessma TV aux méthodes très controversées, M. Karoui a engrangé une forte popularité ces dernières années, notamment en organisant des distributions d’aide dans des régions défavorisées, des opérations relayées par la chaîne qu’il a fondée.
Saied « aurait aimé qu’il soit libre »
Un débat télévisé inédit est prévu entre les deux hommes, sous réserve qu’ils puissent tous deux y participer – la télévision nationale s’est même dite prête à organiser le débat en prison si besoin. « La situation me laisse mal à l’aise moralement (…), sincèrement j’aurais aimé qu’il soit libre », avait déclaré M. Saïed fin septembre, tout en ajoutant qu’en termes d’équité « ce n’est pas moi qui ai des chaînes de télévision ou de l’argent ».
M. Karoui et son frère Ghazi sont poursuivis dans le cadre d’une enquête commencée après le dépôt d’un dossier les concernant par l’ONG anti-corruption tunisienne I Watch. Le juge d’instruction avait décidé en juillet le gel de leurs biens, ainsi que l’interdiction de quitter le territoire. Lorsqu’ils avaient fait appel de ces décisions, la chambre d’accusation avait délivré un mandat d’arrêt et Nabil Karoui a été interpellé le 23 août à un péage d’autoroute, après une visite électorale.
Ghazi Karoui n’a depuis plus été vu en public, alors qu’il est candidat aux législatives du 6 octobre pour le parti de son frère, Qalb Tounes, dans la circonscription de Bizerte (nord). La campagne a été menée par la deuxième candidate de la liste, a indiqué Qalb Tounes, sans plus de précision.
De son côté, Nabil Karoui a fait campagne par l’intermédiaire de sa chaîne de télévision et de son épouse, Salwa Smaoui.
Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-exaucée