Le parti d’inspiration islamiste Ennahdha en Tunisie, principale force au Parlement, a présenté mercredi un candidat, Abdelfattah Mourou, à la présidentielle anticipée de septembre, une première dans l’histoire de cette formation.
Agé de 71 ans, Abdelfattah Mourou est chef du Parlement par intérim, depuis que son prédécesseur Mohamed Ennaceur est devenu président par intérim après le décès le 25 juillet du président Beji Caïd Essebsi.
En 2011, neuf mois après la révolution qui a chassé du pouvoir le président Zine el Abidine ben Ali et mis le pays sur la voie de la démocratie, la formation Ennahdha (Renaissance) longuement réprimée avant de s’imposer, avait remporté les législatives, le premier scrutin post-révolution.
Mais « c’est la première fois de son histoire que le mouvement présente un candidat à la présidentielle », a déclaré à l’AFP le porte-parole d’Ennahdha, Imed Khmiri.
« Le Conseil consultatif (Al Choura) a voté à une majorité de 98 voix en faveur de la candidature d’Abdelfattah Mourou à la présidentielle », a indiqué Ennahdha dans un communiqué.
Le parti « a pris une décision historique », a dit le chef du Conseil Al Choura. « Nous ne pouvons rester à l’écart en 2019 ».
Connu pour sa modération, Abdelfattah Mourou est aux côtés de Rached Ghannouchi, l’un des membres fondateurs d’Ennahdha créé en 1981 avec une poignée d’intellectuels inspirés par les Frères musulmans égyptiens.
Pour les législatives du 6 octobre, Rached Ghannouchi est candidat à Tunis.
Avant le décès du président et le bouleversement du calendrier électoral, Ennahdha était réticent à l’idée de présenter son propre candidat et misait sur un succès aux législatives prévues initialement avant la présidentielle pour laquelle il voulait jouer les faiseurs de roi.
Mais le premier tour de la présidentielle a été avancé au 15 septembre et les législatives maintenues au 6 octobre.
Plus de 30 candidats
Depuis le 2 août, date d’ouverture des candidatures, plus de 30 prétendants ont soumis leur dossier au siège de l’Instance indépendante chargée des élections (Isie).
Parmi eux, l’homme d’affaires et magnat des médias Nabil Karoui qui se présente comme le candidat des plus démunis, après avoir été inculpé pour blanchiment d’argent.
M. Karoui est un adversaire de taille pour le Premier ministre Youssef Chahed, candidat du parti Tahya Tounes, qui doit encore présenter officiellement son dossier, comme M. Mourou.
Abir Moussi, pasionaria de l’ancien régime Ben Ali, s’est elle enregistrée à l’Isie. Elle prône l’exclusion des islamistes dont ceux d’Ennahdha.
Figurent aussi Hamadi Jebali, ex-numéro deux d’Ennahdha qui se présente comme un indépendant, et Moncef Marzouki, élu en 2011 par le Parlement premier président après la révolution.
« Aujourd’hui, il y a une véritable démocratie et le peuple peut choisir librement », a dit M. Marzouki.
Autre candidat notable mercredi, le ministre de la Défense Abdelkarim Zbidi qui a présenté sa démission de son poste avant de faire acte de sa candidature.
Les candidats ont jusqu’au 9 août pour déposer leur dossier. Le 31 août, l’Isie annoncera la liste de ceux retenus et la campagne se déroulera du 2 au 13 septembre.
Les résultats préliminaires seront annoncés le 17 septembre. Le deuxième tour devrait se tenir avant le 3 novembre.
Il s’agira de la seconde présidentielle au suffrage universel depuis 2011, après celle de 2014 remportée par Beji Caïd Essebsi.
Force « civile »
Le parti Ennahdha était resté marqué par sa première expérience au pouvoir, lorsqu’il s’était retrouvé empêtré dans des crises et confronté à une forte opposition, après avoir remporté les législatives de 2011. Il avait dû céder la place à un cabinet de technocrates début 2014.
Depuis, le parti s’évertue à policer son image, insistant pour être décrit comme un parti « démocrate musulman », et non « islamiste ». A ce titre, il a dit poursuivre sa transformation –annoncée en 2016– en force « civile », en excluant toute activité de prédication religieuse.
Réprimé par le père de l’indépendance Habib Bourguiba, Ennahdha a été d’abord toléré par son successeur Ben Ali puis impitoyablement combattu après les législatives de 1989 où les listes qu’il soutenait ont réalisé une percée. Après la fuite en 2011 de Ben Ali, M. Ghannouchi rentre en héros en Tunisie après 20 ans d’exil.
Ennahdha est autorisé dans la foulée et s’engage à garantir la liberté de croyance et de pensée et à préserver les acquis de la femme tunisienne qui jouit du statut le plus moderne du monde arabe.
Berceau du Printemps arabe, la Tunisie est le seul des pays arabes touchés par les contestations à poursuivre sur la voie de la démocratisation malgré les soubresauts politiques, la morosité économique et des attaques jihadistes sanglantes.
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée