Dix pays ont récemment ouvert des représentations diplomatiques sur le territoire non autonome du Sahara occidental occupé par le Maroc. Le Burkina Faso doit bientôt faire de même.
Côte d’Ivoire, RCA, Gabon, Guinée… La liste des pays qui ouvrent des représentations diplomatiques sur le territoire du Sahara occidental s’allonge depuis la fin décembre. Elle compte même aujourd’hui dix pays au total. Djibouti, la Côte d’Ivoire, les Comores, la Gabon, Sao Tomé-et-Principe, la RCA, le Burundi, la Guinée, la Gambie et le Liberia ont ouvert des bureaux sur place. Un véritable défilé sur le dernier territoire non autonome de tout le continent -occupé en partie le Maroc qui nomme la zone « provinces du Sud« – illustre une réelle guerre diplomatique à laquelle prennent désormais ouvertement part les pays d’Afrique de l’Ouest.
« Reconnaissance de l’occupation illégale »
À chaque fois, lors de ces ouvertures, ce sont des images semblables. Le ministre des Affaires étrangères marocain Nasser Bourita lui-même, et un ou une de ses homologues africain(e)s, tout sourire, côte à côte. Ils coupent un ruban, dévoilent une plaque ou tiennent un discours sur l’amitié entre leurs pays. À chaque fois, cela se passe soit à Laâyoune, soit à Dakhla.
Des ouvertures de représentations diplomatiques qui ont une véritable portée politique. « C’est une façon d’essayer à tous prix d’obtenir une reconnaissance de l’occupation illégale -c’est bien une occupation illégale- des territoires par le Maroc », explique le professeur de relations internationales et directeur de recherche en géopolitique, Yahia Zoubir. « On prend des pays qui n’ont pas vraiment de poids et on fait avancer doucement, pour essayer d’influencer le cours des événements. »
« Marocanité du Sahara »
C’est au contraire l’expression même de la « marocanité du Sahara » disait le ministre marocain des Affaires étrangères lors de l’ouverture de la première représentation diplomatique en décembre. Des représentations très politiques quoi qu’il en soit. Guinée, Côte d’Ivoire ou Liberia le savent. Mais difficile d’avoir des explications claires sur cette prise de position. En Côte d’Ivoire, par exemple, le porte-parole adjoint du gouvernement Mamadou Touré a coupé court quand nous avons tenté de l’interroger par téléphone, demandant de lui écrire. Il n’a jamais répondu en retour.
Garantie financière
D’autres sources indiquent une raison très simple à ce soutien. « Ces pays sont endettés, ils ont des difficultés économiques énormes. Et ils font cela en échange de paiements », indique notamment le professeur Yahia Zoubir. Contacté, le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.
Ce qui est certain c’est que ces ouvertures diplomatiques se font en même temps que l’incorporation des eaux du Sahara occidental dans l’espace maritime marocain. Une loi en ce sens a été adoptée en janvier par les députés à Rabat.
Récemment Rabat a incorporé les eaux du Sahara occidental dans son espace maritime
Du côté du Front Polisario, qui réclame toujours l’organisation du référendum d’autodétermination pour le Sahara occidental promis par l’Onu, on continue de dénoncer cette politique. « La Maroc viole les conventions en vigueur », s’énerve Naja Hindi, représentante du Front Polisario en Allemagne. « Et pourquoi les pays (africains, ndlr) ouvrent des consulats dans des villes où ils ont zéro citoyens à qui proposer des services ? Pourquoi pas de représentations dans des grandes villes marocaines ? Pourquoi à Laâyoune ? »
L’Algérie hausse le ton
L’Algérie continue elle de soutenir le Front Polisario dans ce dossier. Elle a haussé le ton récemment vis-à-vis de la Côte d’Ivoire, l’accusant notamment de « transgression flagrante du droit international » et de « violation des engagements issus de l‘acte constitutif de l‘Union africaine« . Alger a même rappelé son ambassadeur à Abidjan pour consultations, manière là encore d’afficher un désaccord. Mais la liste des consulats africains sur le territoire du Sahara occidental devrait s’allonger encore. Le Burkina Faso prévoit prochainement l’ouverture d’un consulat à Dakhla.
En attendant, les négociations entre la Maroc et le Front Polisario à l’Onu sont toujours au point mort depuis la démission de l’ancien président allemand Horst Köhler l’an dernier, officiellement pour raisons médicales.
Source: Deutsch Welle/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée