À l’ouverture de son procès du journaliste indépendant Khaled Drareni, devenu un symbole du combat pour la liberté de la presse en Algérie, le parquet algérien a réclamé quatre ans de prison ferme contre lui et ses deux coaccusés.
Le procès du journaliste indépendant Khaled Drareni s’est ouvert lundi 3 août en Algérie. Le procureur du tribunal de Sidi M’hamed a requis contre lui et ses deux coaccusés quatre ans ferme et une lourde amende à l’encontre des trois accusés, ainsi que la privation de leurs droits civiques.
« Le dossier d’accusation est un dossier vide. Pour nous, c’est du délit d’opinion. Khaled Drareni a été poursuivi pour ses opinions, d’autant qu’aujourd’hui à l’audience, nous l’avons entendu de manière très claire. Ce qu’on lui reproche, ce sont six publications sur les réseaux sociaux », a réagi sur l’antenne de France 24 Saïd Salhi, de la Ligue algérienne pour la défense des Droits de l’Homme. « Le procès de Khaled Drareni est pour nous un test d’abord pour la liberté de la presse, ensuite pour l’indépendance de la justice elle-même », a-t-il insisté.
« Consternant et choquant! Quatre ans de prison ferme requis par le procureur de la République contre notre correspondant en Algérie », a également protesté Reporters sans frontières (RSF) dans un tweet. « Khaled Drareni n’a fait qu’exercer son droit à l’information. RSF appelle à son acquittement immédiat ».
Un verdict attendu lundi prochain
Le verdict a été renvoyé au lundi 10 août, selon les avocats et des journalistes sur place. Âgé de 40 ans, Khaled Drareni dirige le site d’information en ligne Casbah Tribune et travaille comme correspondant en Algérie pour la chaîne de télévision française TV5Monde et de RSF.
Il est accusé « d’incitation à un attroupement non armé et d’atteinte à l’intégrité du territoire national » après avoir couvert le 7 mars à Alger une manifestation du « Hirak », le soulèvement populaire qui a secoué l’Algérie pendant plus d’un an jusqu’à sa suspension, il y a quelques mois en raison de l’épidémie de Covid-19.
Le journaliste est jugé par visio-conférence, depuis le centre pénitentiaire de Kolea, près d’Alger, où il a été placé en détention préventive le 29 mars.
Rejet des accusations
Au cours de l’audience, il a rejeté les accusations, assurant n’avoir fait que son « travail en tant que journaliste indépendant », selon un reporter sur place. Il est jugé en compagnie de deux figures du Hirak, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, également arrêtés le 7 mars à Alger, qui eux étaient présents dans la salle du tribunal.
Sous le coup des mêmes charges, ces deux derniers ont bénéficié le 2 juillet d’une remise en liberté provisoire, alors que Khald Drareni avait été maintenu en prison.
« Nous sommes optimistes quant à la libération provisoire de Khaled. Les avocats vont demander sa sortie de prison et le report du procès à septembre », a déclaré M. Benlarbi avant l’audience.
Tous les procès sont censés se dérouler à huis clos en raison de la pandémie. Plusieurs ONG de défense des droits humains et de la liberté de la presse, algériennes et internationales, ont exhorté ces derniers mois les autorités à libérer Khaled Drareni et à mettre fin au « harcèlement ciblé des médias indépendants ».
La justice algérienne a multiplié les poursuites judiciaires et les condamnations de militants du Hirak, d’opposants politiques, de journalistes et de blogueurs.
D’autres emprisonnements
La semaine dernière, le journaliste Moncef Aït Kaci, ancien correspondant de France 24, et le caméraman Ramdane Rahmouni, ont été arrêtés et placés en détention préventive pendant 24 heures, avant d’être libérés devant le tollé général.
Plusieurs journalistes algériens sont en prison et des procès sont en cours. Abdelkrim Zeghileche, militant pro-Hirak et directeur d’une radio algérienne diffusée sur Internet, Radio-Sarbacane, a été à nouveau incarcéré le 24 juin à Constantine.
Un autre journaliste proche du Hirak, Ali Djamel Toubal, correspondant du groupe de médias privé Ennahar, a lui été condamné le 14 juillet à quinze mois de prison ferme par la cour d’appel de Mascara, notamment pour avoir diffusé des images montrant des policiers malmenant des manifestants anti-régime.
Également derrière les barreaux, Belkacem Djir, journaliste de la chaîne TV d’information privée Echourouk News, a écopé le 28 juin d’une peine de trois ans de prison dans une affaire de droit commun liée à son travail d’investigation.
L’Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF. Elle a dégringolé de 27 places par rapport à 2015 (119e).
Source: France 24/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée