En RCA, comment expliquer les tensions dans la classe politique ? Comment le gouvernement perçoit-il la mise en œuvre de l’Accord de paix de Khartoum ? Ange-Maxime Kazagui, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, répond aux questions de RFI.
RFI: Ange-Maxime Kazagui, Bangui est en pleine campagne électorale. Le Code électoral a été adopté dans la douleur. Est-ce que la campagne est donc officiellement lancée ?
Ange-Maxime Kazagui: Le Code électoral a été adopté dans le cadre d’un processus. Dans la douleur, je ne sais pas. Mais je crois qu’il s’agit là du processus démocratique, qui veut qu’un texte soit défendu – et il l’a été – pour être adopté, voire amendé quand c’est nécessaire.
Qu’est-ce que vous répondez à certains leaders de l’opposition qui reprochent au président d’avoir succombé à une dérive dictatoriale au sens, notamment, où il y aurait deux poids, deux mesures. Je m’explique : à savoir, où certains partis – je pense notamment au MCU –, qui sont autorisés à tenir des meetings, et d’autres comme la plateforme E-Zingo Biani qui ne peut pas manifester jusqu’à présent.
La dernière manifestation d’E-Zingo Biani n’a jamais été interdite par le Premier ministre, tel que cela l’a été dit, ni par aucun ministre.
Son leader regrette de ne pas pouvoir tenir ces manifestations régulièrement et d’être réprimé.
Cette manifestation n’a jamais été interdite par personne. Les leaders d’E-Zingo nous ont fait savoir que c’est sur pression de certains hommes politiques, voire des ministres, que la gérance épiscopale du centre leur avait été interdite. Mais cela n’a jamais été le cas.
Donc cette plateforme peut manifester à tout moment ?
Mais bien entendu. Dès lors qu’elle introduit des demandes en temps utile, avec des thèmes connus, il n’y a aucune difficulté.
L’Accord de paix de Khartoum a été signé il y a cinq mois. Qu’est-ce qui a changé, concrètement ?
Le nombre des attaques, des faits de barrages sur les routes et autres, ont sensiblement diminué. Ils sont encore nombreux, c’est un fait. Mais nous venons de très loin. Quand nous nous retrouvons chaque mois avec tous les partenaires, nous faisons le point de tous les incidents qui ont eu lieu dans ladite période et par qui. Y compris par les FACA, c’est-à-dire les Forces armées centrafricaines.
Qu’est-ce que vous en faites ? Est-ce qu’il y a un bilan qui est tiré à chaque fois de chaque incident énuméré, répertorié… Est-ce qu’à partir de là, vous êtes capable d’anticiper d’autres éventuels incidents et d’éviter qu’ils ses produisent ?
Non seulement des bilans, mais des actions sont prises. Nous devons travailler à implémenter cet accord-là. Et pour l’implémenter, il n’est pas dit que nous allons annihiler l’accord ou faire la guerre. Il faut se rapprocher des protagonistes, savoir pourquoi ces actes ont été posés et faire connaître que les responsables, dès lors qu’ils seront connus, devront payer. Et c’est ce que nous faisons à chaque fois.
Comment vous expliquez qu’aujourd’hui encore, près de 80% du territoire soit encore contrôlé par les groupes armés ? Est-ce que c’est une situation qui continue à vous inquiéter ?
La situation centrafricaine est un écheveau qui s’est mélangé avec des protagonistes de tous profils. Tout cela participe de cette complexité. C’est un travail qui va prendre encore du temps.
Du temps… Des années ?
J’ai bon espoir, parce que nous avons des signes, mais le mal vient de loin, il a duré. Il faut prendre le temps de travailler et de travailler sérieusement.
Comment expliquer, selon vous, les frémissements ou en tout cas les lenteurs prises par la mise en place du Programme de Démobilisation, Désarmement ?
Je pense que, d’abord, la difficulté était financière, vous le savez. Maintenant, pour se parler très franchement, des gens qui ont vécu avec les armes – des armes ! – Eh bien, il n’est pas facile de faire en sorte qu’ils vivent d’autres choses. Il faut expliquer en quoi ils peuvent avoir d’autres perspectives et qu’il y a une autre vie après la rébellion.
L’Accord de Khartoum consacre une part importante de membres de chefs rebelles au sein du gouvernement. Est-ce que vous comprenez, aujourd’hui, le scepticisme, les critiques de personnes qui se disent : « Finalement, en intégrant ces personnes-là, comment va-ton les juger ? »
La feuille de route de l’Union européenne disait ceci : « Les discussions devant mener à un accord politique de paix sont des discussions qui doivent se tenir dans le strict respect de la Constitution et il ne doit y avoir, à aucun moment et pour personne, ni de l’amnistie, ni toute autre exemption de ces crimes ».
Donc le fait de nommer des anciens chefs rebelles ministres ne veut pas forcément dire qu’ils sont exempts d’éventuelles poursuites dans le futur ?
Nous sommes réalistes. Avec qui fait-on la paix ? On la fait avec les belligérants, ceux qui ont créé le problème, qui doivent en être la solution. Et quand on discute avec eux, on ne peut pas discuter avec eux en leur mettant un couteau sous la gorge. Ils ont estimé et dit depuis des années que, les raisons pour lesquelles ils ont pris les armes, c’est parce qu’ils ne sont pas représentés au gouvernement. Et puis c’est un processus. Un processus de paix n’est pas un processus dans lequel on a signé et le lendemain, comme étant élevé au ciel, on arrive au paradis. Non. Il est fait de difficultés et embuches. Nous n’étions pas assez naïfs pour croire qu’il n’y aurait pas de difficultés. Nous les vivons, nous les acceptons, nous y travaillons.
Source: RFI/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée