Soutenu par le chef de l’État, le projet de loi portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine a été approuvé par l’Assemblée nationale. Mais cette ratification n’est pas sans susciter l’inquiétude de certains parlementaires, qui la jugent prématurée.
Trois-cent trente députés nationaux ont voté pour la ratification de ce projet de loi qui, une fois promulgué par le président Félix Tshisekedi après seconde lecture au Sénat, devrait permettre au pays d’ouvrir son marché à la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), laquelle ambitionne de faire de l’Afrique le plus grand marché unique au monde en réduisant les barrières douanières et en promouvant les échanges intra-africans.
En mars 2018, à l’instar de 53 autres États africains, la RDC avait signé l’accord qui doit permettre la création d’un marché continental de plus de 1,2 milliard de personnes pour un PIB cumulé de 2 500 milliards de dollars.
Les projections de la Commission économique de l’Union africaine révèlent que la mise en œuvre de la Zlecaf aura pour effets entre autres le développement des échanges intra-africans, la hausse des salaires réels des travailleurs non qualifiés, la transformation structurelle et industrielle de l’Afrique ainsi que la création de chaînes de valeurs régionales et continentales, voire mondiales…
Une place particulière sur le continent
La RDC occupe une place particulière à l’échelle continentale et dans sa sous-région compte tenu de sa position géostratégique, de sa taille, de l’importance de son marché, et des frontières qu’elle partage avec neuf pays. Elle fait en effet partie du Comesa (Marché commun de l’Afrique orientale et australe), de la CDAA (Communauté de développement d’Afrique australe), de la CEEAC (Communauté économique des États de l’Afrique Centrale), de la CEPGL (Communauté économique des pays des Grands Lacs), et envisage son entrée dans la Communauté d’Afrique de l’Est.
LE PAYS A DE NOMBREUX DÉFIS À RELEVER
Cependant, ces accords ne se sont jusqu’ici pas traduits par un accroissement formel des échanges entre les pays signataires, et si les faiblesses trouvent leurs origines dans différents facteurs, toutes rappellent que les obstacles à la Zlecaf seront légion.
« Dans le cas de la RDC, de nombreux défis sont à relever pour la mise en œuvre de la Zlecaf. Il y a lieu d’évoquer la diversification de l’économie, la construction des infrastructures de base et l’amélioration de l’offre énergétique et du climat des affaires, ainsi que la pacification du pays. Autant de défis qui contraignent l’État congolais à se concentrer sur la mise en œuvre de son Plan d’action visant son intégration nationale, l’industrialisation de son économie et la promotion du commerce transfrontalier », commente Eric Tshikuma, journaliste spécialiste des questions économiques.
Ainsi, explique-t-il, les pays les moins avancés tels que la RDC ont dix ans pour la libération progressive des droits de douane des produits non sensibles et treize ans pour la libération progressive des droits de douane des produits sensibles. Des produits tels que le ciment gris, le clinker, le fer, les farines de froment et de maïs, le sucre brun, l’huile de palme, la bière de malt, les boissons à base de jus de fruit sont exclus des produits qui feront l’objet de libre-échange dans la Zlecaf.
S’engager progressivement dans le processus
La nécessité pour la RDC de s’engager progressivement dans ce processus étalé sur une décennie n’est pas pour rassurer certains parlementaires, notamment ceux du Front commun pour le Congo – du président honoraire Joseph Kabila – qui ont boycotté la séance plénière. Présidente de la Commission économique et financière au Sénat, Francine Muyumba n’a pas caché son indignation.
IL NOUS FAUT D’ABORD EFFECTUER DES RÉFORMES ÉCONOMIQUES AU NIVEAU NATIONAL
« La position géographique de la RDC, son potentiel économique et notre population nous mettent en position de recevoir et donner. La RDC devrait reporter cette ratification afin de définir les préalables permettant cette ratification. », explique t-elle dans une note envoyée aux députés.
« Il nous faut d’abord effectuer des réformes économiques au niveau national, avoir un tableau de bord de la balance commerciale avec chacun des pays adhérents. », poursuit-elle en précisant qu’une ratification trop rapide « constitue une erreur grave qui aura des conséquences dangereuses pour l’économie nationale. »
« L’entrée en vigueur de cet accord débouchera sur une perte des revenus douaniers, plusieurs entreprises installées en RDC risquent d’opter pour une délocalisation dans les pays voisins », a réagi pour sa part la députée Christelle Vuanga
« Pire, cela causera des pertes d’emplois pour nos concitoyens. La traçabilité des produits importés sera encore plus difficile. Nous risquerons alors de consommer des denrées d’une qualité méconnue », s’inquiète la sénatrice Francine Muyumba
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée