Willy Kitobo Samsoni, nouveau ministre des mines, est attendu dans la gestion de grands dossiers de ce secteur stratégique de l’économie de la République démocratique du Congo (RDC). Le pays entretient des relations conflictuelles avec les compagnies minières, opposées au code minier de 2018 qui a permis au pays de doubler ses recettes minières en une année. Les nouvelles autorités sauront-elles résister à la pression et appliquer strictement le texte ?
Succédant à Martin Kabwelulu à la tête du ministère congolais des mines, Willy Kitombo Samsoni, le nouveau ministre du gouvernement de Sylvestre Ilunga Ilunkamba aura fort à faire. Ancien ministre provincial chargé des mines, de l’environnement et du développement durable, Samsoni est un homme du sérail. Son département sera au cœur de la stratégie du gouvernement qui consiste à choisir entre l’application stricte du nouveau code minier et l’assouplissement de certaines dispositions pour accéder aux revendications des compagnies minières opérant en RDC.
Nouveau code minier contesté en RDC, après 16 ans de gratuité
Malgré une farouche opposition des entreprises minières opérant sur le sol congolais, le chef de l’Etat de l’époque, Joseph Kabila, avait promulgué un nouveau code minier en mars 2018, de manière unilatérale au bout de six ans de négociations, sans résultat. La nouvelle législation minière est une révision de l’ancien code de 2002, jugé obsolète et peu bénéfique pour le pays, car adopté au lendemain de la seconde guerre du Congo. Une époque où le pays pressé par le FMI d’accélérer ses réformes libérales était divisé par une guerre civile et ses richesses exploitées par des groupes armés rivaux. Il a dès lors instauré un code minier avec d’énormes avantages aux investisseurs comblant les risques liés à l’instabilité politique et à l’insécurité mais peu bénéfique à la RDC. Le pays de 82 millions d’habitants fonctionne en 2019 avec un budget de 5,5 milliards de dollars – contre 11,4 milliards de dollars pour un pays comme la Côte d’Ivoire et ses 25 millions d’habitants en 2018.
La RDC profite peu des recettes issues de l’exploitation minière à cause d’une faible taxation combinée à une gestion peu rigoureuse. Or, selon un rapport de la CEA publié en 2019 sur la fiscalité en Afrique, les exonérations fiscales ont peu d’impact sur l’attractivité des pays en termes d’IDE, alors que les pertes de recettes sont énormes. A travers son nouveau code minier, la RDC a voulu profiter de la hausse des prix des matières premières. La stratégie a été payante. En 2018, le secteur minier a généré 1,57 milliard de dollars, soit une hausse de 91% par rapport à l’année 2017. Des recettes pompées dans les caisses des compagnies minières soumises désormais à une lourde taxation.
Dans la fiscalité du nouveau code minier en RDC
Dans le code minier de mars 2018, la redevance sur les métaux ordinaires passe de 2,5% à 3 ,5%, celle sur les minerais classés stratégiques comme le cobalt, le coltan et le germanium est fixée à 10%. La taxation sur les pierres précieuses a été relevée à 6%. A l’importation, le code hausse les droits de douane sur de nombreux produits à 10% contre 5% auparavant et ceux sur le carburant passent de 3% à 5%. L’impôt sur les bénéfices grimpe de 30% à 35%. En cas de hausse exceptionnelle des cours des matières premières de +25% par rapport aux tarifs établis dans l’étude de faisabilité, le nouveau code instaure un impôt spécial fixé à 50 % sur le surplus. Il établit le prix de transfert (capitalisation) à 50% et supprime les conventions minières, des régimes spécifiques assortis d’exonérations fiscales. La législation minière prévoit également le versement par les miniers de 0,3% de leurs chiffres d’affaires à un fonds de développement communautaire et la mise en place d’un fonds pour les générations futures. Le courroux pour les miniers a été le raccourcissement de la durée de la clause de stabilité -qui permettait aux entreprises d’emprunter plus facilement sur les marchés financiers- de 10 à 5 ans. Par ces dispositions, l’Etat congolais tente une reprise en main de la souveraineté sur ces ressources minières.
«[…] Sans une volonté politique forte pour mettre en œuvre la loi, nous ne bénéficierons jamais de l’opportunité que représente un secteur minier développé en RDC qui devrait être prescripteur pour toute l’économie, à l’instar d’un grand nombre de pays dans le monde, comme le Chili, premier producteur de cuivre au monde», explique Albert Yuma PCA de Gécamines, dans une interview à La Tribune Afrique.
Au cours de la période 2002-2016, le nombre de compagnies minières est passé de 35 à 482 selon les chiffres officiels. Parmi elles, de grandes multinationales comme Glencore, Randgold, China Molybdenum, ou encore Ivanhoe Mines et Zijin.
Les miniers résistent
En 2018, la promulgation du nouveau code minier a poussé les miniers à boycotter la fédération des entreprises du Congo, en reprochant à son président, Albert Yuma, son impartialité. Albert Yuma, toujours président de la Gécamines sous la présidence de Felix Tshisekedi, la puissante société d’Etat des mines congolaises, va cohabiter avec le nouveau ministre des Mines, Willy Kitobo Samsoni. Le duo au cœur de la stratégie minière congolaise au cours des cinq prochaines années a une lourde tâche.
Début août, l’anglo-suisse Glencore annonçait l’arrêt de la production de sa mine de Mutanda pour deux ans à cause des taxes. Quelques jours plus tard, c’est au tour de China Molybdenum d’annoncer des pertes et un possible arrêt. Conséquence : le scénario de suppression de milliers d’emplois sert de pression sur le gouvernement. Celui-ci saura-t-il résister et aller jusqu’au bout dans l’application du nouveau code minier ? Le président Felix Tshikesedi est resté vague sur la question. Il s’est juste engagé à «mener à bien les réformes économiques et financières ainsi que le développement avec l’aide de la communauté internationale, en particulier des États-Unis», selon un communiqué de Barrick Gold du 4 avril, lors de la visite du président congolais aux Etats-Unis.
Source: La Tribune Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée