Certaines réformes lancées au Soudan depuis la chute, en avril 2019, de l’ancien président Omar El Béchir suscitent parfois la polémique, a rapporté hier l’AFP. Exemple récent : l’inclusion dans un manuel scolaire d’une fresque de Michel-Ange, un des maîtres de la Renaissance italienne avec Raphaël et Léonard de Vinci, entre autres.
Les islamistes considèrent que la «Création d’Adam», représentation de l’histoire biblique sur le plafond de la chapelle Sixtine au Vatican, va à l’encontre des enseignements de l’islam en représentant «l’Etre divin». Mais de nombreux Soudanais estiment qu’une réforme du programme scolaire est nécessaire et que cette œuvre s’inscrit dans l’enseignement de la Renaissance européenne. Le débat s’est propagé sur les réseaux sociaux, où sont partagées des vidéos de prêcheurs dans des mosquées vilipendant cet ajout et d’autres au programme.
Dans l’une d’elles, un religieux brandit le manuel d’histoire controversé pendant un sermon lors d’une traditionnelle prière du vendredi en affirmant que le livre promeut «l’apostasie» et «l’hérésie». Dans une autre, un religieux appelle à «brûler le manuel». «C’est une insulte odieuse envers l’Etre divin de représenter son incarnation auprès des élèves», a estimé de son côté l’Académie du fiqh (jurisprudence islamique), qui a publié un décret religieux interdisant l’utilisation du livre. «Le livre glorifie la culture occidentale comme étant la culture de la science et de la civilisation, contrairement à sa présentation de la civilisation islamique», a-t-elle affirmé dans un communiqué. Mais cette initiative du gouvernement bénéficie aussi de nombreux soutiens. «La peinture n’est pas dans un livre religieux.Advertisements
Elle est dans un manuel scolaire d’histoire pour les sixièmes, sous une section intitulée Renaissance européenne, ce qui le place ainsi dans un contexte», a soutenu Qamarya Omar, professeure et membre de l’Association soudanaise des professionnels, qui a pris part au mouvement de protestation ayant abouti à la destitution d’El Béchir. «Une peinture ne poussera pas les gens à abandonner leur religion, ni n’ébranlera leurs convictions», a-elle estimé. Elle a fustigé l’intervention du chef du gouvernement, la jugeant «précipitée». «Le programme scolaire doit être déterminé par des experts éducatifs sur une base scientifique», a-t-elle observé.
Le Premier ministre, Abdallah Hamdok, a ordonné, le 6 janvier, le gel de la réforme scolaire et la formation d’un comité représentant tous les secteurs de la société. Son gouvernement de transition multiplie les réformes visant à effacer l’héritage du régime répressif de Omar El Béchir, porté au pouvoir lors du coup d’Etat de 1989, appuyé par les islamistes de Hassan Al Tourabi.
La décision de A. Hamdok, qui a provoqué des critiques à l’encontre du gouvernement, a entraîné la démission du président du Centre national pour la recherche sur le programme scolaire et éducatif. «Je me trouve dans l’incapacité de poursuivre avec un gouvernement issu d’une révolution populaire, mais (qui) a capitulé face aux pressions des reliquats d’un régime défunt», a indiqué Omer Al Qarray dans sa lettre de démission. A l’inverse, cette décision gouvernementale «a résolu le problème», selon Adel Hamza, de l’Académie du fiqh. «La religion ne devrait pas être réduite à un régime et (…) la représentation de l’Etre divin est inadmissible dans l’islam», a-t-il ajouté.
Le gouvernement a supprimé, en 2020, un arrêté sur la sécurité publique, datant de 1996, autorisant les policiers à intervenir contre les personnes habillées de manière «indécente». Il a également autorisé la consommation d’alcool pour les non-musulmans et la conversion de l’islam à une autre religion a été décriminalisée. Ces réformes ont entraîné des manifestations à travers le pays pour dénoncer des mesures jugées «anti-islamiques».
Source: El watan/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée