Obstacles sur l’ouverture des routes entre l’Est et l’Ouest. Hésitations sur le départ des groupes armés étrangers. Les Libyens peinent dans l’installation de la confiance entre eux, après une décennie de guerre et des milliers de morts et de mutilés.
Plus de cinq mois de cessez-le-feu. Pourtant, la grande route reliant l’Est à l’Ouest n’a pas été encore ouverte malgré l’accord de la commission militaire, réunie à Syrte, depuis novembre dernier.×
Les grandes bases militaires, comme El Witya à l’Ouest et Al Gardhabya près de Syrte, sont toujours tenues par des groupes armés étrangers ; les Turcs à El Witya, les Wagners à Syrte.
Les spécialistes de la question libyenne considèrent que c’est la principale équation à résoudre dans le conflit libyo-libyen, même après la nomination d’El Menfi à la tête du Conseil présidentiel, et Dbeyba comme chef du gouvernement.
Les Libyens de tous bords ne se sont pas attaqués aux nominations de Genève. Loin de là, l’actuel président du Conseil, Fayez Al Sarraj, et son équipe ont félicité Younes El Menfi. En même temps, Aguila Salah, le président du Parlement, a appelé à une réunion préparatoire, lundi prochain, 15 février, pour fixer les modalités du vote de confiance au gouvernement de Abdelhamid Dbeyba.
Sur un troisième niveau, la commission du processus constitutionnel est, depuis mardi, en réunion à El Ghardaka, en Egypte, en présence du président de la commission indépendante électorale, Imed Essayeh, pour fixer le calendrier du référendum autour de la Constitution, préalable aux élections.
Il est fort probable qu’il y ait des amendements dans ce calendrier, si l’on veut respecter la date du 24 décembre 2021 pour tenir des élections. «La durée de dix mois n’est pas suffisante pour préparer le référendum et les élections», insiste Imed Essayeh, ajoutant qu’il va émettre les réserves adéquates afin d’établir un calendrier réalisable.
Le processus de réconciliation ne s’est donc pas arrêté, malgré l’existence de vainqueurs et vaincus, qui ne sont pas n’importe qui. La liste vaincue comprend le chef du Parlement de l’Est, Aguila Salah, le ministre de l’Intérieur de l’Ouest, Fathi Bach Agha, et le commandant en chef des armées de l’Ouest, Oussama Jouili.Advertisements
Ce sont donc des personnalités qui ont leur poids dans le paysage politique. Mais, il s’agit de sauver la face, aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest, et d’essayer de terminer le processus de réconciliation entamé par le vice-président Ahmed Myitigue avec l’homme fort de l’Est, Khalifa Haftar. «La paix contre une répartition plus équitable des revenus du pétrole, via une gestion plus transparente», réclament les populations de l’Est et du Sud.
La première épreuve de crédibilité à cette réconciliation, c’est de réunir le Parlement en Libye, à Tobrouk, zone natale du nouveau président Mohamed Younes El Menfi. Il s’agit de valider le gouvernement d’union nationale.
Lenteur
Au-delà des accords de principe, obtenus entre les Libyens à Genève et ailleurs, comprenant même la dissolution des milices et le rapatriement, chez elles, des troupes étrangères, il s’agit maintenant de passer à l’acte.
Et à ce niveau, il est clair que les solutions tardent à se concrétiser. En effet, la délégation de l’ONU a pu vérifier sur le terrain, juste avant la conférence de Genève, la présence des forces turques à la base aérienne d’El Wetya et des groupes armés Wagners à la base d’Al Gardhabya.
Il est donc acquis que les politiques, des deux bords, n’ont pas donné leur aval aux annexes de l’accord de cessez-le-feu. «La question de réunifier l’armée libyenne me semble complexe, puisque les militaires appartiennent à deux camps politiquement opposés à l’échelle internationale, à savoir l’axe Le Caire-Abu Dhabi, face à l’axe Ankara-Doha», avertit le juge de Benghazi, Jamel Bennour.
Le politicien Mahmoud Chemam, propriétaire du groupe de médias Al Wassat, émet les mêmes réserves sur les chances de réconciliation rapide des Libyens. «Au-delà de ce qu’on dit sur les conditions d’élections à Genève, le terrain libyen est complexe, par l’existence de milliers de morts et de mutilés dans toutes les tribus», rappelle l’ancien porte-parole de la révolution libyenne.
Pour Chemam, l’existence de près de 20 millions d’armes, circulant en Libye, complique davantage la situation. Pour conclure, il pense qu’avec El Menfi et Dbeyba, c’est juste une nouvelle étape, avance-t-il sans conviction.
Source: El watan/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée