Il y a un mois, la chambre d’appel de la Cour pénale internationale confirmait l’acquittement de Laurent Gbagbo, qui vit depuis deux ans en Belgique. Depuis cette décision, les tractations pour préparer son retour en Côte d’Ivoire sont lancées et se sont accélérées en fin de semaine dernière. Six proches de l’ex-chef d’État sont revenus au pays, dont sa sœur cadette et son porte-parole, qui étaient en exil depuis dix ans au Ghana.
L’annonce a été faite à l’issue d’un Conseil des ministres qui réunissait le nouveau gouvernement formé par les autorités ivoiriennes. C’est le président en personne, Alassane Ouattara, qui a affirmé que Laurent Gbagbo pourrait bientôt rentrer en Côte d’Ivoire, avec l’assurance de bénéficier du statut d’ancien chef de l’État. « Quant à Laurent Gbagbo et à Charles Blé Goudé, ils sont libres de rentrer en Côte d’Ivoire quand ils le souhaitent, a déclaré Alassane Ouattara, le mercredi 7 avril 2021. Les frais de voyage de Monsieur Laurent Gbagbo ainsi que ceux des membres de sa famille seront pris en charge par l’État de Côte d’Ivoire », a-t-il poursuivi. Les dispositions seront également prises pour que Monsieur Laurent Gbagbo bénéficie, conformément aux textes en vigueur, des avantages et indemnités dus aux anciens présidents de la République de Côte d’Ivoire. »
En décembre 2020, un obstacle administratif avait déjà été levé, puisque Laurent Gbagbo a pu se faire établir deux passeports (un diplomatique et un ordinaire) qui lui permettent de voyager. Mais il reste encore quelques détails administratifs à régler.
D’abord, le greffe de la Cour pénale internationale devait transmettre aux autorités ivoiriennes les documents attestant de son statut d’homme acquitté. Ensuite, il y a toute une discussion menée entre les responsables de son parti mandatés pour organiser son retour et les autorités. Les discussions étaient jusque-là menées par l’ancien Premier ministre, Hamed Bakayoko, mais il est décédé le 10 mars dernier. Il fallait donc trouver un autre interlocuteur. C’est désormais son successeur à la primature, Patrick Achi, qui prend le relais. Deux rencontres ont eu lieu ces derniers jours. Elles portent notamment sur l’encadrement sécuritaire de l’arrivée de l’ancien président ivoirien.
Réconcilier les Ivoiriens et réunifier le parti : les défis de Laurent Gbagbo après son retour
« L’objectif, c’est de réussir l’organisation du retour du président Laurent Gbagbo, au plan sécuritaire, bien entendu, avec les autorités ivoiriennes qui en ont la charge, explique Franck Anderson Kouassi, porte-parole du Front populaire ivoirien, branche « Gbagbo ou rien ». Et puis, poursuit-il, il y a la mobilisation en Côte d’Ivoire : « Il s’agit de canaliser les gens. Le président Laurent Gbagbo est attendu par tous les Ivoiriens pour le rôle qu’il compte jouer dans la réconciliation nationale et le rassemblement des Ivoiriens. Et donc, par rapport à cela, il faut prendre un certain nombre de dispositions pour contenir ce monde-là, tant au niveau d’Abidjan que ceux qui viendront de l’intérieur du pays. »
Deux défis attendent ensuite l’ancien président ivoirien. Laurent Gbagbo veut promouvoir la réconciliation nationale. Son retour marquera sans doute une nouvelle phase de jeux d’alliances au sein de la classe politique ivoirienne.
Mais avant cela, il devra d’abord réunifier son parti, qui s’est divisé en son absence. « Il va falloir concilier les deux positions, mais je pense que les choses devraient aller très vite, puisque Pascal Affi N’Guessan a toujours affirmé que si Laurent Gbagbo revenait, et qu’il voulait reprendre la tête du Front populaire ivoirien, il ne s’y opposerait pas », observe le politologue Geoffroy Justin Kouao. Monsieur Affi N’Guessan n’a pas de marge de manœuvre, ajoute-t-il : « Il est dans une position de faiblesse. Il n’arrive pas à ratisser large et les dernières élections législatives le montrent bien : le FPI, conduit par Pascal Affi N’Guessan, n’a obtenu que deux sièges. À l’inverse, EDS, Ensemble pour la démocratie et la souveraineté, a obtenu près d’une vingtaine de sièges. Et donc politiquement, il y a un déséquilibre en défaveur de M. Affi N’Guessan, qui doit donc en tenir compte », conclut le directeur du think tank Institut des Libertés.
En attendant, les discussions pour affiner les modalités pratiques et la date du retour de Laurent Gbagbo se poursuivent.
Source : RFI Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée