Saïed empêche Mechichi de finaliser le remaniement ministériel : La crise politique en Tunisie s’exacerbe

Hichem Mechichi, nommé Premier ministre par le président tunisien, Kais Saied, le 25 juillet 2020. © Slim Abid/AP/SIPA, via Présidence tunisienne

La crise du remaniement ministériel inachevé se poursuit en Tunisie. Le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, a été momentanément obligé de remplacer, lundi dernier, le remaniement ministériel, annoncé depuis le 14 janvier 2021, et validé par l’Assemblée le 26 janvier, par des nominations de ministres intérimaires, pour éviter le blocage dans les rouages de l’Etat.

Pour sa part, le président de la République, Kaïs Saïed, a adressé une lettre à Mechichi pour souligner que «la Constitution n’impose pas de faire passer le remaniement ministériel par l’Assemblée et que c’est juste un article du règlement intérieur de l’Assemblée, qui n’est pas une loi de l’Etat». Le blocage reste donc entier entre les présidences en Tunisie.

Hichem Mechichi a cherché, en vain, à trouver conseil auprès des diverses institutions judiciaires existantes. Il a consulté le Tribunal administratif, l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de lois (IPCCPL), ainsi que des experts en matière de droit administratif et constitutionnel. Tous sont unanimes pour dire qu’ils ne sont pas aptes à se prononcer sur pareil différend et que la Cour constitutionnelle est l’unique autorité pouvant se prononcer sur le sujet.

Pis encore, le Pr Slim Laghmani, éminent expert en droit constitutionnel, assure, dans un post Facebook, que «la Cour constitutionnelle ne peut, sans habilitation constitutionnelle particulière, être saisie, uniquement, pour interpréter la Constitution. Elle l’aurait pu, si la Constitution lui avait conféré une compétence consultative, ce qui n’est pas le cas». C’est dire la complexité du différend vécu par le pouvoir politique en Tunisie.

Le pire, c’est que le chef du gouvernement appelle à l’installation rapide de la Cour constitutionnelle, prévue par la Constitution du 27 janvier 2014, pour l’année suivante et qui n’a pas été instaurée, faute d’accord au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) sur les quatre membres, devant la représenter, aux côtés de quatre représentants la présidence de la République. Les quatre derniers sont choisis par le Conseil supérieur de la magistrature. L’ARP n’est pas parvenue, durant 5 ans, à réunir la majorité des deux tiers, requis pour chaque membre. Une seule juge est passée en mars 2018.Advertisements

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Il s’agit d’une candidate Nidaa Tounes, Raoudha Ouersighni. Depuis, il n’y a pas eu de consensus autour des trois autres noms. L’ARP a récemment décidé d’amender la loi de la Cour constitutionnelle pour ramener la majorité requise de l’élection aux 3/5, au lieu des 2/3. Mais, il n’y a pas eu accord sur ce choix, dans la réunion d’avant-hier de la commission de crise de l’ARP. Du coup, le choix «provisoire» de Mechichi, risque de durer.

Blocage

La Tunisie vit en ce moment un véritable blocage au sommet du pouvoir exécutif, en raison de l’ambivalence du pouvoir politique, mi-présidentiel, mi-parlementaire. L’émiettement caractérisant l’ARP est l’autre problème qui s’y ajoute et empêche de trouver une majorité gouvernementale stable et, encore moins, une majorité pour faire passer des choix aux deux tiers. Déjà, pendant la législature 2014/2019, avec Nidaa Tounes et Ennahdha qui détenaient, ensemble, près des trois quarts de l’ARP, la Cour constitutionnelle n’est pas passée, cela ne risque pas d’être facile, durant cette législature, où le premier des partis ne dispose même pas du quart des députés.

Par ailleurs, l’autre partie du problème, c’est le système politique et le manque de synergie entre la présidence de la République, élue au suffrage universel, et l’ARP, élue, elle-aussi. Laquelle discordance fait dire à tout le monde qu’il est nécessaire de changer le régime politique et la loi électorale qui l’a produit. Mais, remarque le président de l’ARP et président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, «l’Assemblée n’arrive pas à trouver le bon compromis, malgré l’entente sur le diagnostic».

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Ainsi, le blocage perdure et le gouvernement n’arrive pas à faire passer à l’Assemblée les lois nécessaires, pour faire face à la crise socioéconomique, que la Tunisie traverse. Le président Saïed a au moins raison de constater que «depuis sa venue au pouvoir, en novembre 2019, l’Assemblée ne fait que débattre de la nomination ou du changement du chef du gouvernement». Quatre votes en 14 mois ! Pauvre Tunisie !

Source: El watan/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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