Le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, se lance mardi 25 janvier seul dans la course à sa succession, avec pour défi de renforcer une organisation dont les défaillances ont été révélées par la pandémie de Covid-19.
Lors d’un vote à bulletin secret en séance privée, les membres du conseil exécutif de l’OMS devront valider sa candidature, après l’avoir entendu. Sa réélection en mai par les Etats membres de l’organisation ne fait guère de doute.
Le docteur Tedros, qui a succédé en en 2017 à la Chinoise Margaret Chan, est très apprécié, en particulier par les Africains qui voient en lui un « ami de l’Afrique » ayant permis que le regard de la communauté internationale, notamment sur la pandémie, se tourne davantage vers ce continent.
Seule ombre récente au tableau : l’Ethiopie qui, à la mi-janvier, a dénoncé ses commentaires sur la situation humanitaire dans la région en guerre du Tigré, dont il est originaire.
L’Ethiopie a demandé à l’OMS l’ouverture d’une enquête pour « forfaiture » à son encontre, sans toutefois que sa demande soit soutenue par d’autres pays.
Spécialiste du paludisme
« Certes, il s’est exprimé avec force, mais ce qu’il a dit correspond à des faits que tous les directeurs d’agences humanitaires constatent », a affirmé auprès de l’AFP une source diplomatique occidentale, soulignant qu’« il n’y a pas eu de dérapage ».
« Le gouvernement éthiopien cherche depuis le début à empêcher le docteur Tedros d’être à nouveau directeur général de l’OMS. Ils ont commencé par essayer de bloquer l’affaire à l’Union africaine en refusant que sa candidature soit présentée par l’Afrique », a ajouté cette source.
Sa candidature est portée par vingt-huit Etats membres de l’OMS, dont la France et de nombreux autres pays de l’Union européenne, mais aussi un petit nombre de pays africains, dont le Kenya et le Rwanda.
Agé de 56 ans, ce spécialiste du paludisme est diplômé en immunologie, docteur en santé communautaire et ancien ministre de la santé et chef de la diplomatie de l’Ethiopie.
Premier Africain à diriger l’OMS, le docteur Tedros, comme il aime à se faire appeler, est en première ligne depuis le début de la pandémie.
L’arrivée du démocrate Joe Biden à la Maison Blanche, qui a remis les Etats-Unis dans le giron de l’OMS, lui a offert un second souffle, alors qu’il était attaqué sans cesse par l’ex-président américain Donald Trump (2017-2021), qui avait coupé les vivres à l’organisation, accusée d’être trop proche de la Chine et de mal gérer la pandémie.
Réformer le modèle de financement
Le ton plus critique du docteur Tedros envers la Chine, qu’il estime ne pas être assez transparente sur l’origine de la pandémie, lui a valu quelques réprimandes de Pékin, qui soutient toutefois sa reconduction.
Il a aussi fait l’objet de récriminations publiques de la part de plusieurs dizaines d’Etats membres, y compris ceux qui ont soutenu sa candidature, frustrés par sa gestion du scandale des violences sexuelles infligées par des employés de son organisation – parmi d’autres travailleurs humanitaires – en République démocratique du Congo (RDC) pendant la lutte contre l’épidémie d’Ebola entre 2018 et 2020.
La pandémie a également montré que ses appels restent souvent sans écho, comme quand il réclame aux pays les mieux lotis de faire beaucoup plus pour réduire l’iniquité de la lutte contre le Covid-19 ou d’instaurer des moratoires sur les rappels de vaccins.
Après un premier mandat marqué par le Covid-19, qui a mis à nu les défaillances de l’OMS, le docteur Tedros va devoir remporter le pari du renforcement de l’agence onusienne. Un grand nombre de capitales réclame un renforcement de l’architecture de santé publique mondiale pour mieux coordonner la réponse aux crises sanitaires mondiales et prévenir de futures épidémies.
Mais les contours de la réforme restent encore à définir par les pays, dont certains, soucieux de leur souveraineté, n’ont guère envie de donner plus de pouvoir à l’OMS. Le docteur Tedros réclame également une vaste réforme du modèle de financement de l’organisation, sous-financée.
Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée