Abdallah Hamdok, écarté lors du putsch du 25 octobre, est redevenu Premier ministre du Soudan aux termes d’un accord signé dimanche avec le général Abdel Fattah al-Burhane. Des milliers de Soudanais sont descendus dans les rues de Khartoum et d’autres villes du pays pour contester cette entente.
Quasiment un mois après le coup d’État militaire au Soudan, le Premier ministre soudanais Abdallah Hamdok, écarté lors d’un coup d’État militaire le 25 octobre, a été rétabli dans ses fonctions aux termes d’un accord signé formellement dimanche 21 novembre avec le général Abdel Fattah al-Burhane à Khartoum. Mais cette entente n’a pas calmé les Soudanais qui ont continué à manifester par milliers contre le putsch.
Abdallah Hamdok a tenu un bref discours aux côtés du général Burhane, chef de l’armée et auteur du putsch. Les deux hommes se sont dit engagés à remettre sur les rails la transition vers la démocratie lors de la cérémonie de signature au palais présidentiel devant lequel des milliers de manifestants anti-putsch manifestaient.
Avant le rétablissement d’Abdallah Hamdok à son poste, un accord avait été conclu entre ce dernier et l’armée pour un retour d’Abdallah Hamdok comme Premier ministre. Puis, son assignation à résidence a été levée, selon son bureau.
Abdallah Hamdok et le général Burhane répondent ainsi à toutes les conditions posées par la communauté internationale pour redonner son soutien au Soudan. Mais, a prévenu aussitôt l’ONU, « tous les acteurs soudanais doivent désormais agir de façon constructive et de bonne foi pour restaurer l’ordre constitutionnel et la transition ».
Ce pas rapprochant le Soudan d’un retour à des autorités de transition civilo-militaires selon le partage du pouvoir décidé en 2019 après le renversement du dictateur Omar el-Béchir, n’a toutefois pas altéré la mobilisation de la rue.
Les Soudanais étaient de nouveau des milliers à défiler à Khartoum et sa banlieue, à Kassala et à Port-Soudan, dans l’Est, ou à Atbara, dans le Nord, pour crier « Non au pouvoir militaire » et « Burhane dégage » dans un pays quasiment en continu sous la férule de l’armée depuis son indépendance il y a 65 ans.
Tirs de grenades lacrymogènes sur les manifestants
La police a tiré dimanche des grenades lacrymogènes sur ces milliers de manifestants à Khartoum, aux portes du palais présidentiel où le Premier ministre Abdallah Hamdok est arrivé pour retrouver son poste près d’un mois après le putsch militaire.
Alors qu’Abdallah Hamdok retrouvait sa liberté de mouvement après environ un mois de résidence surveillée, les manifestants ont continué à dire « Non au pouvoir militaire » et « Non au général Abdel Fattah al-Burhane ».
C’est dans le palais présidentiel que les deux hommes ont signé l’accord prévoyant la réinstallation d’Abdallah Hamdok à la tête du gouvernement et la libération des ministres et dirigeants civils arrêtés le 25 octobre.
Après la signature solennelle du document, Abdallah Hamdok a promis dans une courte allocution de « faire cesser avant toute chose l’effusion de sang au Soudan ». « Cet accord ouvre la porte en grand à la résolution de tous les défis de la transition », a-t-il encore dit. Le général Burhane, lui, l’a « remercié pour sa patience », alors que l’ancien économiste onusien n’a retrouvé que dimanche matin sa liberté de mouvement après environ un mois de résidence surveillée.
Le Premier ministre doit désormais former un nouveau cabinet. Les futurs ministres seront des « technocrates », indique l’accord signé dimanche.
Depuis le putsch, ambassadeurs occidentaux, négociateurs onusiens ou africains et personnalités de la société civile soudanaise ont multiplié les rencontres avec civils et militaires à Khartoum alors que dans la rue, la répression des manifestants anti-putsch a fait au moins 40 morts, selon un syndicat de médecins prodémocratie.
La police assure elle n’avoir jamais ouvert le feu et ne recense officiellement qu’un seul mort et 30 blessés parmi les manifestants du fait, selon elle, du gaz lacrymogène. Samedi, les autorités ont indiqué dans un communiqué qu’une enquête serait lancée sur les manifestants tués.
« Nous refusons tout accord »
« On ne veut pas de partenariat avec l’armée », martèle Mohammed Farouq, qui a défilé à Khartoum. « On veut un État uniquement civil, que les soldats rentrent dans leurs casernes et que ceux qui ont tué des manifestants depuis le putsch soient jugés », lance-t-il à l’AFP.
Les Forces de la liberté et du changement (FLC), principal bloc pro-civils au Soudan, ont d’emblée rejeté l’accord. « Nous réaffirmons clairement qu’il n’y a pas de négociation, ni de partenariat » avec « les putschistes », ont-elles affirmé, appelant à traduire les généraux en justice pour leur répression sanglante des manifestations.
« Nous refusons tout accord qui permettra aux putschistes de rester au sein d’une quelconque autorité de transition », a renchérit l’Association des professionnels soudanais, fer de lance de la révolte de 2019.
Et pour ajouter à l’imbroglio, le parti Oumma, dont est pourtant issu Fadlallah Burma qui a annoncé l’accord, a affirmé « refuser tout accord politique qui ne s’attaque pas aux racines de la crise créée par le putsch militaire ».
Quelques jours avant l’annonce de l’accord, le général Burhane semblait pourtant déterminé à laisser le pouvoir aux mains des militaires malgré les appels de la communauté internationale et des manifestants à un retour du pouvoir civil.
Il s’est ainsi renommé à la tête du Conseil de souveraineté, plus haute autorité de la transition, avec son second le général Mohammed Hamdane Daglo, après y avoir remplacé les membres pro-civils par des civils apolitiques.
Source: France 24/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée