Six mois après sa nomination, Abdallah Hamdok pose les premières pierres de son agenda politique, entre initiatives pour la paix, et plan économique.
C’est une première depuis neuf ans pour un membre du gouvernement soudanais. Ce jeudi 9 janvier, le Premier ministre Abdallah Hamdoks’est rendu dans la région des monts Nuba, dans la ville de Kauda notamment. Cette province du Kordofan du Sud de 50 000 mètres carrés est l’une des trois zones de conflits du pays, avec le Darfour et le Nil Bleu. Depuis 2011, la région est régulièrement bombardée par les forces gouvernementales, en réponse aux revendications autonomistes de certains groupes, dont les rebelles du SPLM Nord. Située entre le Soudan et le Soudan du Sud, la zone est aussi riche en pétrole. Un potentiel économique dont les autorités ne veulent se passer. Car l’indépendance du Soudan du Sud acquise en 2011 a déjà privé Khartoum de sous-sols riches en hydrocarbures.
Le retour à la paix : une priorité pour Hamdok
L’accession au pouvoir d’Abdallah Hamdok a rebattu les cartes. Car le Premier ministre a fait de la résolution des conflits régionaux une de ses priorités. « C’est une grande occasion pour montrer à notre peuple, à Kauda et à travers le monde, que son gouvernement de transition travaille dur pour parvenir à la paix », a-t-il fait savoir hier sur Twitter. Les nouvelles autorités œuvrent à fournir « davantage d’aides aux zones affectées par les guerres et marginalisées des décennies durant ». L’ambassadeur britannique à Khartoum, Irfan Siddiq, qui s’est rendu lui aussi à Kauda, a salué de son côté une « visite historique » d’Abdallah Hamdok, en vue de « rétablir la confiance, améliorer l’assistance humanitaire », et qui augure « de bonnes perspectives pour un accord de paix ».
Ce déplacement dans la région suit une première visite à la charge symbolique très forte : celle qu’a effectuée le Premier ministre au Darfour, début novembre. Sinistrée par seize ans de conflit avec le pouvoir central, sous Omar el-Bechir, la zone située à l’ouest du Soudan compte 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU. Le conflit, qui a opposé les forces miliciennes Janjawid – soutenues par les autorités – aux forces rebelles, a fait plus de 300 000 morts. Un constat qui fait de l’ancien chef d’État la cible de graves accusations de la part de Cour pénale internationale (CPI), pour génocide et crimes de guerre. Aujourd’hui, les victimes demandent que justice soit rendue, et que le drame soit reconnu par le gouvernement.
Des prérogatives exigées par les mouvements rebelles, en échange de la paix. Une tâche bien difficile pour Abdallah Hamdok, tant le sentiment de marginalisation, ancré dans la région depuis des années, domine encore. La paix constitue pourtant une issue indispensable au règlement de la crise que traverse le Soudan, notamment dans le domaine économique. Selon le Premier ministre, interrogé à la télévision en août dernier, la fin de la guerre permettrait au gouvernement d’utiliser environ 70 % des dépenses du budget national et de les investir dans des projets de développement.
Un plan pour l’économie
Il y a urgence, car malgré la transition, la grogne sociale reste forte au Soudan. L’inflation galopante et le manque de liquidités sont toujours d’actualité. Ces mêmes facteurs qui avaient poussé dans la rue des milliers de Soudanais, et conduit à la chute d’Omar el-Bechir après trente ans au pouvoir. En réaction, le ministre de l’Économie et des Finances, Ibrahim Ahmed Badawi, a lancé, en septembre, un plan d’urgence en cinq axes : lutte contre le chômage, passage d’un développement humanitaire à un développement viable, stabilisation des prix et renforcement des institutions économiques. Pour atteindre ses objectifs, cet ancien analyste à la Banque mondiale s’est donné 200 jours.
Viendront ensuite d’autres mesures, comme la restructuration du budget, qui s’orientera notamment vers des dépenses supplémentaires en matière d’éducation, de santé et de développement. La troisième année de transition sera, elle, consacrée au développement des entreprises manufacturières et à la diminution des exportations des matières premières. Un plan ambitieux, qui pourrait se faire avec le soutien des institutions financières internationales. Cet été, Abdallah Hamdok a rouvert les discussions avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. « Il n’y a rien à craindre de ces organisations », avait-il fait savoir à la télévision, faisant allusion aux mesures d’austérité mises en œuvre sous Omar el-Bechir, sur recommandation de ces organisations. Et qui, in fine, l’ont précipité dans sa chute.
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée