Soudan : les services de renseignements retrouvent leurs pleins pouvoirs

Chaque jour, les promesses du général Abdel Fattah al-Burhane s’étiolent un peu plus. Le 25 octobre, en s’emparant du pouvoir, le chef de l’armée soudanaise promettait de rectifier la trajectoire de la transition démocratique. Deux mois plus tard, donner des gages à la rue est devenu le cadet de ses soucis. Non seulement les cortèges prodémocratie font face à une répression d’une violence inédite depuis le début de la révolution, en décembre 2018. Au moins 47 civils ont perdu la vie, tandis que ce bilan continue de s’alourdir à chaque « marche du million », malgré l’accord conclu le 21 novembre avec le Premier ministre Abdallah Hamdok.

En l’absence de soutien populaire, la démission de ce dernier semble imminente. Dans ce contexte, le général putschiste se cramponne, lui, à son poste et tente, par tous les moyens, de gagner du temps. Il vient ainsi de restaurer, le 26 décembre, les pleins pouvoirs des services de renseignements ou GIS (ancien NISS).

Droit d’arrestation et immunité

Depuis son compte Twitter, cette puissante branche de l’État, célèbre pour les crimes commis sous la dictature d’Omar el-Béchir, énumère les prérogatives qui lui sont rendues : « arrestation de personnes, perquisitions, contrôle des biens et des effets personnels, saisie de fonds et autres, interdiction ou réglementation de la circulation des personnes ». Le GIS renoue en outre avec son immunité. « Cela donne carte blanche aux forces de l’ordre pour faire ce qu’elles veulent. Il s’agit d’un retour en tout point à la situation sous el-Béchir », constate le docteur en droit Ahmed el-Gaili.

Selon lui, cette décision unilatérale du général Burhane ne possède aucun fondement légal dans la mesure où elle est justifiée par l’état d’urgence décrété le 25 octobre, qui aurait lui-même nécessité le feu vert du Premier ministre pour entrer en vigueur. Elle ne devrait pas, dans tous les cas, suffire à enrayer la mobilisation croissante depuis le putsch. « Donner plus de pouvoir au GIS et à ses membres rendra la situation plus compliquée qu’elle ne l’est actuellement, car les manifestants anti-coup d’État ne reculeront pas, prévient Nihal El Mquirmi. Au contraire, cela ne fera que les inciter à poursuivre la lutte contre les militaires au pouvoir, dans un contexte économique catastrophique avec une inflation de 350,84 %, encore exacerbé par les effets du changement climatique, qui accroissent les affrontements tribaux comme ceux qui ont eu lieu récemment au Darfour, et l’insécurité alimentaire », détaille cette chercheuse du think thank Policy Center for the New South, qui vient de publier un rapport sur les fragilités du Soudan.

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Le gouvernement militaire en sursis

L’ordonnance de Burhane confirme donc le mauvais calcul politique qui a entouré le putsch et fait perdre au Soudan 650 millions de dollars (575 millions d’euros) d’aide internationale pour le seul mois de novembre. Les créanciers conditionnent la reprise de leur soutien financier au respect du droit de manifester ou encore à la formation d’un gouvernement et d’un Conseil législatif. « Burhane cherche à apaiser les islamistes, qui constituent sa seule base politique ainsi que les partisans de la ligne dure au sein de l’armée soudanaise. C’est la raison pour laquelle il fait revenir les responsables politiques de l’ère Béchir. Il espère désormais obtenir le soutien et la loyauté des structures de sécurité du pays. Mais sans argent, il paraît peu probable qu’il puisse pérenniser ces alliances », analyse Kholood Khair, du centre de réflexion Insight Strategy Partners basé à Khartoum.

Ce nouveau pas en arrière des militaires devrait cependant retarder la condamnation des violences perpétrées par les forces de l’ordre depuis le 25 octobre, incluant treize viols commis en marge de la manifestation du 25 décembre. Le juriste Ahmed el-Gaili rassure toutefois sur le fait que le décret n’est pas rétroactif. Des procès pourront par conséquent avoir lieu une fois l’État de droit rétabli. Ahmed el-Gaili estime d’ailleurs que le renversement du régime militaire n’est plus qu’« une question de semaines et non de mois ». Les principaux partis politiques, les Comités de résistance locaux et l’Association des professionnels soudanais, fer de lance de la révolution, multiplient en effet les réunions afin de définir une feuille de route commune dans l’objectif de retourner, pour de bon, sur la voie censée conduire à la tenue d’élections. Ils espèrent, dans le même temps, faire plier les putschistes grâce aux manifestations monstres qu’ils organisent environ une fois par semaine. Et dont le prochain épisode est fixé au 30 décembre.

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Source: Le Point Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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