Le gigantesque ouvrage devrait commencer à produire de l’électricité d’ici à la fin 2020 et serait complètement opérationnel d’ici à 2022.
La tension monte entre l’Egypte et l’Ethiopie à propos du projet controversé du gigantesque barrage éthiopien sur le Nil, alors que Le Caire a accepté une offre de rencontre à Washington. L’Egypte craint que la construction du grand barrage de la Renaissance, un projet de 4 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros) entamé en 2012 par l’Ethiopie, n’entraîne une réduction du débit du Nil, dont elle dépend à 90 % pour son approvisionnement en eau.
Les discussions entre ces deux pays et avec le Soudan, par lequel passe aussi le fleuve, sont bloquées depuis neuf ans. Début octobre, des négociations à Khartoum avaient abouti à une « impasse », selon Le Caire, qui cherche depuis à obtenir une médiation internationale, une perspective rejetée par la diplomatie éthiopienne qui la qualifie de « déni injustifié des progrès » réalisés pendant les négociations.
« Insinuations inacceptables »
« La guerre ne peut pas être une solution et ne nous aidera pas », a déclaré mardi le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed devant le Parlement. Mais « aucune force ne peut empêcher l’Ethiopie de construire le barrage », a ajouté celui qui a reçu le prix Nobel de la paix 2019, en grande partie pour la paix conclue avec l’Erythrée voisine. « Un quart de la population [éthiopienne] est pauvre et jeune, donc nous pourrions en mobiliser des millions s’il le faut », a lancé le premier ministre, tout en assurant que la « négociation »serait la meilleure solution.
Le Caire a jugé que ces déclarations étaient des « insinuations inacceptables », selon un communiqué publié mardi 22 octobre par le ministère des affaires étrangères. Des analystes estiment que l’absence d’accord entre Addis-Abeba, Le Caire et Khartoum pourrait susciter un conflit entre les trois pays avec de graves conséquences humanitaires. L’Egypte demande un minimum annuel garanti de 40 milliards de m3 d’eau, ce à quoi l’Ethiopie n’a pas donné son accord.
Selon William Davison, du cercle de réflexion International Crisis Group (ICG), les déclarations d’Abiy Ahmed montrent « la profondeur » du ressentiment en Ethiopie, qui a annoncé que le barrage devrait commencer à produire de l’électricité d’ici à la fin 2020 et serait complètement opérationnel d’ici à 2022. Le gigantesque barrage est censé devenir la plus grande centrale hydroélectrique d’Afrique, avec une production de 6 000 mégawatts.
« Débloquer l’impasse » des négociations
« Si les commentaires étaient largement destinés à une audience nationale, ils reflètent les tensions récentes avec l’Egypte », a estimé M. Davison, rappelant que Le Caire, qui évoque un « droit historique » sur le fleuve garanti par une série de traités, a déjà usé par le passé d’une rhétorique belliqueuse similaire. Selon l’analyste, il y a toutefois « peu de chances » que la question débouche sur un conflit et les deux pays ont encore la possibilité de trouver un accord.
Mardi, Le Caire a annoncé avoir accepté « immédiatement » une invitation américaine pour une rencontre à Washington entre les ministres égyptien, soudanais et éthiopien des affaires étrangères afin de « débloquer l’impasse » des négociations. Contacté par l’AFP mercredi, le ministère égyptien n’a pas répondu au sujet des modalités et du calendrier de cette possible rencontre.
Aucune réaction officielle à la proposition américaine n’a été publiée par Addis-Abeba et Khartoum. MM. Sissi et Abiy devraient se rencontrer au sommet Russie-Afrique qui se déroule à Sotchi en Russie.
Le Nil est le plus long fleuve du monde et sert d’artère vitale en Afrique de l’Est pour les dix pays qu’il traverse. Le Nil Bleu, qui prend sa source en Ethiopie, rejoint le Nil Blanc à Khartoum pour former le Nil qui traverse le Soudan et l’Egypte avant de se jeter dans la Méditerranée.
Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée