Du 28 au 30 août 2019, la ville de Yokohama au Japon accueille la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad). Un sommet plein d’enjeux pour le Japon qui, fort de ses liens de coopération avec l’Afrique, tente de redéfinir sa politique vis-vis du continent. Devancé par la Chine, Tokyo recentre sa coopération africaine sur l’innovation et le transfert de compétences et peut compter sur les dirigeants africains très mobilisés.
Le Japon contribue de plus en plus au développement de l’Afrique et assume une responsabilité grandissante en ce qui concerne le futur de ce continent. L’augmentation des ressources de l’aide internationale, la promotion de la coopération interrégionale, un transfert plus efficace et effectif de la technologie à partir d’une similitude du degré de développement, la promotion de la culture et de la langue entre pays en développement, la réduction du coût de réalisation des projets en jouant sur la proximité, sont au cœur de la coopération japonaise en Afrique. Ces idées seront concrétisées pour la première fois en 1975 par la création de stages pour les pays tiers et l’envoi d’experts de pays tiers. Acteur clé du soutien au développement économique de l’Afrique, le Japon a initié la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad) dont la première édition a eu lieu à Tokyo en octobre 1993, à un moment où les pays développés tournaient leur attention vers les pays de l’ancien bloc soviétique et où, avec la « lassitude des donateurs », la communauté internationale montrait des signes de désintérêt vis-à-vis de l’Afrique et de son développement. La première Ticad a abouti à une déclaration de Tokyo sur le développement de l’Afrique, plaçant le continent et son développement au centre de l’agenda international. Avec la modification de sa Charte de l’Aide publique au développement (Apd) en août 2003, le Japon a de surcroît montré clairement sa détermination à promouvoir la coopération Sud-Sud et ce, dans une période d’afro-pessimisme grandissant.
La Ticad et le regain d’intérêt pour l’Afrique
L’organisation de la Ticad procède d’une approche partenaire de la coopération internationale par le Japon et vise à stimuler la croissance sur le continent africain. Mais les différents sommets organisés depuis lors, sont loin de favoriser le réel essor économique escompté de l’Afrique. A la Ticad I, des engagements de décaissement dans des secteurs identifiés comme importants pour l’Afrique ont été pris. La Ticad II a pour sa part présenté un engagement à hauteur de 90 milliards de yens (environ 820 millions de dollars) de dons sur cinq ans à partir de 1999 en faveur des secteurs sociaux (éducation et santé) et du secteur de l’eau. Le Japon s’était par ailleurs engagé à augmenter le budget de la coopération dans le secteur hydraulique à hauteur de 250 à 300 millions de dollars en trois ans, à partir de 1994. Dans la Ticad III, le Premier ministre Koizumi s’engagea à octroyer « une coopération sous forme de dons pour atteindre 1 milliard de dollars dans les domaines tels que la santé et les soins médicaux, comprenant les mesures contre le sida, de même que l’éducation, l’eau et l’aide alimentaire ». Seulement, si la promesse du renforcement de la coopération japonaise dans le domaine de l’eau dans la Ticad I a bien été tenue, les décaissements aux secteurs d’engagement Ticad II avaient diminué de 35 % en 1998, l’année de la conférence, et se sont globalement maintenus à ce niveau inférieur ensuite. Un think tank du ministère japonais des Affaires étrangères conclut dans son rapport, que de la Ticad ne contribue ni à l’augmentation du budget de coopération vers l’Afrique, ni à l’adaptation du système de coopération japonaise aux réalités du continent africain. Elle aura cependant permis au gouvernement japonais d’organiser des réunions gouvernementales, de financer de nombreux stages d’Africains dans des pays asiatiques, de même que la mise en place des investissements dans les domaines de la technologie, de l’énergie, des transports et de l’agriculture.
La Ticad 7 et ses enjeux
La 7e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad) s’est ouverte mercredi 28 août 2019 à Yokohama au Japon. Organisée entre autres par le gouvernement du Japon, les Nations unies (Onu) et la Banque mondiale (Bm, sous le thème : « Faire progresser le développement de l’Afrique en recourant aux peuples, à la technologie et à l’innovation », cette rencontre dont la cérémonie d’ouverture a été présidée par le Premier ministre nippon Shinzo Abé, a regroupé pendant deux jours, des dirigeants africains et japonais dont entre autres Chefs d’Etat africains, l’Egyptien Abdel Fattah al-Sissi, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, le Sénégalais Macky Sall, le Malien Ibrahim Boubacar Kéïta, le Guinéen Alpha Condé, le Congolais Félix Tshisekedi, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Malgache Andry Rajoelina, le Nigérien Mohamadou Bouhary, le Béninois Patrice Talon, le Togolais Faure Gnassingbé…, des personnalités du monde des affaires et des acteurs de la société civile. Alassane Ouattara a été représenté par Amadou Gon Coulibaly. Le Premier ministre saisit l’occasion pour décrocher de nouvelles opportunités pour son pays. A l’occasion, Shinzo Abé a rappelé les interventions japonaises en Afrique dont notamment les missions de déminage, les soins de santé, l’approvisionnement en eau, la construction d’infrastructures et le renforcement des capacités en Afrique. La Ticad 7 fut essentiellement l’occasion de jauger les relations qu’entretiennent le Japon et l’Afrique. Les questions liées au commerce et à l’investissement, au développement des compétences, à l’innovation et la diffusion des technologies y ont été discutées. La rencontre s’est également intéressée à la transformation économique à travers le dialogue Public-Privé entre l’Afrique et le Japon. La Ticad 7 qui a fait le pari de « l’approfondissement et l’intensification de la coopération entre ce pays asiatique de premier plan et le continent africain prometteur, en renforçant le partenariat public-privé et en relevant les grands défis du développement dans le continent africain », semble ouvrir de nouvelles perspectives dans les relations entre le Japon et l’Afrique.
Les investissements étrangers nippons progressent
L’Afrique n’a jamais cessé de susciter l’intérêt et d’attirer les convoitises des grandes puissances, faisant souvent planer le soupçon d’une nouvelle forme de colonisation. Dans ce concert d’influences, si les États-Unis et l’Europe gardent une place importante, la Chine se présente comme la nouvelle puissance. Si pour sa part, le Japon multiplie les rapprochements avec l’Afrique, c’est aussi pour concurrencer son rival chinois. Mais le retard pris par Tokyo est conséquent. Lors de la Ticad VI, le pays s’est engagé à soutenir 30 milliards de dollars d’investissements publics et privés dans les infrastructures. En réplique lors du sommet Chine-Afrique, Pékin a promis, lui, le double. Mais plutôt que de se lancer dans une course aux chiffres, qu’il perdrait inexorablement, le Japon préfère promouvoir des investissements « de qualité » et de « développement des ressources humaines locales ». Le stock d’investissements directs japonais en Afrique, soit la valeur cumulative de tous les investissements année après année, s’élevait à 7,8 milliards de dollars fin 2017, contre 43 milliards pour la Chine, selon l’agence Jetro. Quant aux exportations nippones vers l’Afrique, elles ont chuté de plus de 27 % depuis 2008, tandis que celles de la Chine ont fait un bond de près de 50 % sur la dernière décennie, selon la même source.
Le Japon en Afrique
Selon les études menées par le cabinet de l’avocat Romain Battajon, au titre des échanges commerciaux, malgré ses relations anciennes avec l’Afrique, le Japon ne représente que 2,7% des échanges commerciaux de ce continent, contre 13,5% pour la Chine, à en croire l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde). L’essentiel des importations du Japon en provenance de l’Afrique sont des ressources naturelles, notamment le pétrole du Soudan, de l’Angola et du Nigeria, et les métaux rares d’Afrique du Sud, d’Ouganda et de Zambie. Les exportations japonaises en Afrique concernent principalement les véhicules automobiles (24%), les navires (6%) et les machines-outils (4%). L’Afrique du Sud est un partenaire privilégié et historique du Japon totalisant 50% des échanges commerciaux du Japon en Afrique en 2008, suivi par le Soudan (11 %), l’Égypte (8 %) et le Nigeria (5 %). En janvier 2015, les exportations du Japon vers l’Afrique ne représentent que 1,9% et les importations 2,3% des flux globaux du Japon. En ce qui concerne les investissements directs du Japon à l’étranger, ils s’élèvent à 1,466 milliards USD en Afrique en 2014, contre 119,727 milliards USD avec le reste du monde, représentant seulement 1,2% du volume mondial du Japon. Parmi les entreprises japonaises intervenant en Afrique figurent Komatsu – BIA Group, Mitsui & Co. Le groupe Sojitz, Le conglomérat industriel Sumitomo, le conglomérat industriel Mitsubishi et Marubeni. Leurs domaines d’intervention concernent les secteurs comme le minier, l’automobile, le pétrole et les infrastructures.
Source: Afrika strategies France/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée