Il est à la tête de la diplomatie togolaise depuis une bonne décennie. De l’avis d’observateurs internes ou externes, cette période correspond non seulement à une sorte de stabilité, et une pertinente adaptation de la diplomatie togolaise aux enjeux mondiaux. Le terrorisme, le développement, les partenariats ACP/UE (Afrique Caraïbes Pacifiques/Union européenne), les relations entre les partenaires traditionnelles du Togo (France, Allemagne, Etats-Unis, Union européenne…). Il est à la manœuvre en tout et partout. A quelques jours du sommet des dirigeants de l’Union africaine et de l’Union européenne, il est bien fort judicieux d’évoquer la stratégie de ce franciscain que le Christ a tourné vers la diplomatie…
L’arrivée au gouvernement de Robert Dussey coincide avec une rupture de contrat entre l’Union des forces du changement (Ufc) de Gilchrist Olympio et le parti au pouvoir, autrefois le Rassemblement du peuple togolaise (Rpt). Ayant imposé aux postes qu’il lui plaisait ses hommes, la diplomatie togolaise est tombée aux mains de Elliot Ohin, qui, n’avait aucune expérience de l’espace internationale. Une gestion hasardeuse et au pifomètre du ministère des affaires étrangères a bien évidemment conduit au désastre et l’approximation dont a hérité Dussey. Le défi était double, remettre sur les rails un ministère bien éprouvé mais aussi redonner à la diplomatie togolaise ses lettres de noblesses et l’imposer dans la sous-région. A ces deux défis, Robert Dussey en a ajouté un troisième, détecter des opportunités pour imposer dans le concert des Nations cette ex « Suisse d’Afrique ». D’où l’idée de la construction d’une crédibilité sur l’Afrique, notamment au niveau des institutions régionales (Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest, Cedeao, Union économique et monétaire ouest africaine, Uemoa, etc…) mais aussi dans la gestion des crises au Mali ou ailleurs, où, le président togolais a vite fait office de médiateur. Un aspect d’autant plus important qu’au pouvoir depuis 2005, Faure Gnassingbé est aujourd’hui ce qu’on appelle ironiquement « le doyen » des chefs d’Etat de l’Afrique de l’ouest, « jeune doyen » préfère Alassane Ouattara, son aîné d’un quart de siècle.
Robert Dussey, c’est la passion bouillante et discrète du service. C’est le flair permanent de l’initiation et de l’innovation, c’est la promptitude innée malgré une santé relativement fragile. Le tout porté par une foi inébranlable que ce franciscain qui a vite remplacé a son chapelet par un carnet d’adresse porte aux chevilles. Comme la source de sa force.
Depuis, sur le continent comme ailleurs, la diplomatie togolaise a accumulé des succès. La réussite récente de la visite d’Etat de Faure Gnassingbé à Paris en est une parfaite illustration d’autant qu’il n’est pas que le dernier chef d’Etat de la région à être reçu par Macron, mais les rumeurs allaient bon train sur ses demandes d’audiences jamais acceptées par le jeune président français. Mais la force de Dussey a toujours été cette curiosité diplomatique et l’esprit permanent de prospection. Turquie, Russie, Israël, il a étendu l’horizon de la diplomatie togolaise, avec pour soubassement un constant équilibre entre Washington dont il s’est fait si proche et Tel Aviv dont il est à la fois le fils spirituel et l’éternel admirateur.
Et surtout, il sait s’adapter. A peine la droite trumpiste a été déchue aux Etats-Unis qu’il a ravivé ses relations avec la gauche quasi extrême. Peu après le départ de son ami israélien Benjamin Netanyahou, il a réveillé ses vieux contacts de la gauche israélienne. Bref, un étonnant personnage d’adaptation et de jonglage diplomatique avec pour un seul objectif, voir rayonner le Togo.
Aujourd’hui, alors qu’en négociateur principal pour les ACP, il a presque conclu les accords ACP/UE, Robert Dussey prépare déjà, dans un monde en pleine dynamique, l’après. Le séjour de Bruxelles devrait être la bonne opportunité pour ce sympathique ministre qui a un talent, disons un don, la grande capacité d’adaptation. Une qualité plus que capitale dans la mission qui est la sienne et qui, compte tenu des enjeux qui attendent le Togo, n’est pas près de finir.
MAX-SAVI Carmel