Promis à l’inauguration le 28 novembre, l’ancien palais des gouverneurs de Lomé, héritage de la colonisation allemande, s’ouvre enfin aux Togolais.
Alors que le palais s’apprête à ouvrir ses portes sur le boulevard du Mono, face à la plage, les dernières perceuses s’activent pour fixer les œuvres aux murs. Cinq expositions vont être présentées pour les débuts de ce projet de centre d’art et de culture, inédit dans le pays. Accessible le 28 novembre, avec la volonté première de présenter les talents créatifs d’Afrique et de ses diasporas, il se veut aussi un espace pour rendre hommage aux artistes togolais. Comme Kossi Aguessy, designer décédé en avril 2017 alors qu’il préparait cette exposition. La curatrice, Sandra Agbessi, se félicite par ailleurs de voir du design exposé à Lomé : « À part des showrooms commerciaux, il n’y a pas d’espaces dédiés au design en Afrique de l’Ouest. C’est important de donner un espace pour reconnaître les artistes designers d’ici. »
Le lieu de tous les Togolais ?
Si le design a une place à part entière dans le musée, le palais accueille pour ses débuts divers sujets d’exposition. Le « Togo des rois » présente les tenues, objets et artefacts traditionnels royaux. Une salle dévoile l’évolution architecturale du lieu jusqu’à la fin de sa rénovation. Une autre accueille l’exposition « Three Borders » et réunit des artistes venus du Ghana, du Togo, du Bénin et du Nigeria. « Quatre pays, trois frontières, tracées au hasard, rappelle la commissaire Aminat Agoro. Je voulais montrer comment les gens transcendent ces frontières issues du colonialisme. Faire se rerencontrer ces quatre pays. »
Entouré d’un parc botanique de 10 hectares, le palais de Lomé va accueillir un restaurant dont la cuisine est appelée à mettre en valeur les plantes et produits du terroir togolais. Une librairie est prévue dans l’enceinte du bâtiment, ainsi que des ateliers culturels. Le but de Sonia Lawson ? En faire un lieu de vie, « celui de tous les Togolais ». Son prix d’entrée sera fixé à titre symbolique dans les semaines à venir, avec un accès gratuit un dimanche par mois. Un sacré défi pour ce lieu symbole de mystère et d’interdits. Pour commencer, elle compte y inviter tous les scolaires de la ville. La communication, la programmation et l’avenir décideront de la suite.
Pour comprendre l’importance de ce lieu de culture, il y a lieu de remonter dans l’histoire même de l’édifice qui l’abrite
Le palais de Lomé, une histoire mouvementée
Tout commence en 1905, quand Lomé voit sortir de terre un palais sous la forme d’un bâtiment colonial imposant face à la corniche avec vue sur mer. Les Allemands, à l’époque ressortissants de la puissance coloniale qui a mis la main sur ce bout de territoire africain, entament la construction d’une somptueuse résidence partie pour être un lieu interdit aux autochtones. Les gouverneurs, allemands, britanniques, puis français, s’y succèdent au fil des affres de l’histoire tumultueuse des colonies. De fait, le 27 avril 1960 marque un tournant pour ce palais des Gouverneurs puisque l’indépendance est rendue au Togo.
S’il s’ouvre sur la République, il n’en reste pas moins un lieu fermé pour le peuple. « Un lieu craint », ajoute même la directrice du projet, d’origine togolaise, Sonia Lawson. Son utilisation : il héberge le siège de l’État jusqu’en 1970. Puis devient, jusqu’au début des années 1990, le « palais des hôtes de marque de la République togolaise ». Le sort du bâtiment bascule avec les manifestations sociopolitiques de la fin du XXe siècle, le laissant à l’abandon pendant vingt-cinq ans.
Du palais colonial au musée
En 2012, un appel à projets est lancé par le président togolais Faure Gnassingbé : il faut redonner vie à la ruine du palais. Une jeune femme française, du nom de Sonia Lawson, originaire du Togo, y répond. Objectif ? Ouvrir les portes du palais aux citoyens, dégager le symbole du pouvoir colonial et l’histoire lourde qui pèse sur ces pierres. Mais avant cela, de longs travaux sont nécessaires. Cinq ans, dix entreprises locales, un peu plus de 2 milliards de francs CFA (3 millions d’euros) ont rendu au bâtiment son allure d’antan. La directrice raconte que le projet n’emballe pas tout le monde, « le terrain vaut de l’or à cet endroit-là, les gens ne comprennent pas forcément l’intérêt d’un parc ouvert au public ». Mais la critique n’arrête pas Sonia Lawson. Pour défendre l’avenir du musée, elle multiplie les arguments. Une démarche qui ne manquera pas de faire adhérer progressivement le public à cette réalisation.
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée