Les ONG dénoncent des « menaces » pour la biodiversité, un « accaparement » des terres : le groupe Total, est assigné en justice pour ses activités en Ouganda, ce jeudi 12 décembre au tribunal à Nanterre (France).
Il s’agit de la première action en justice en France basée sur la loi relative au « devoir de vigilance » des multinationales, selon les deux ONG françaises et les quatre ougandaises qui ont assigné en référé (procédure d’urgence) le groupe pétrolier fin octobre.
Ces ONG estiment que le groupe ne respecte pas la loi française dite du « Rana Plaza », du nom de l’immeuble qui s’est effondré en 2013 au Bangladesh, causant la mort de 1 138 ouvriers.
Cette loi votée en 2017 impose aux groupes d’établir un « plan de vigilance » destiné à « prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement », chez leurs sous-traitants ou fournisseurs à l’étranger.
« Famine » et « déscolarisation des enfants »
Pour les ONG, le plan de Total publié en mars est trop parcellaire, en particulier ce qui concerne le projet « Tilenga » en Ouganda, opéré par Total aux côtés des compagnies chinoise CNOOC et britannique Tullow.
Il consiste à forer des puits de pétrole pour atteindre une production d’environ 200 000 barils par jour. Un projet associé EACOP prévoit la construction d’un oléoduc de plus d’un millier de kilomètres en Ouganda et en Tanzanie.
Un premier plan de réinstallation a touché près de 5 000 personnes et les ONG ont observé « des phénomènes de famine » et de « déscolarisation des enfants », explique Thomas Bart, militant de l’ONG Survie, qui a coordonné l’enquête sur le terrain.
Ce jeudi, deux Ougandais qui ont dû quitter leurs terres doivent témoigner devant le tribunal.
Par ailleurs, « Total va forer plus de 400 puits, majoritairement dans un parc naturel protégé [celui des Murchison Falls] qui est à la fois le plus vieux et le plus grand d’Ouganda », ajoute Thomas Bart.
Cette audience est « importante à deux titres » : « le juge peut contraindre Total à mieux anticiper les risques de violations et donc changer ses pratiques en Ouganda » et « il y a un enjeu d’une correcte application de la loi » de 2017, souligne Juliette Renaud de l’ONG Les Amis de la Terre France.
Sollicité lundi, Total a renvoyé à son communiqué publié fin septembre, dans lequel le groupe dit avoir « conscience des impacts potentiels pour les populations locales ». « Total E&P Uganda et ses partenaires ont réalisé des évaluations détaillées des impacts sociétaux et environnementaux potentiels des projets », qui « ont permis de mettre en place les mesures afin d’éviter ces impacts ou de les minimiser », affirme le groupe.
« Ces études d’impact ont été conduites dans le respect des standards nationaux et internationaux » et ont « nécessité la consultation de près de 70 000 personnes en Ouganda et en Tanzanie », affirme Total.
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée