Le bras de fer se poursuit entre les islamistes d’Ennahdha et le président Saied sur la composition du gouvernement. Le conseil de la choura exige de Fakhfakh des changements pour lui accorder sa confiance.
La tension est à son apogée entre Ennahdha et Elyes Fakhfakh sur les départements à occuper par des ministres islamistes, notamment le ministère des Technologies de la communication et de l’Economie numérique, ainsi que l’élargissement à Qalb Tounes de la ceinture politique du gouvernement.
Ennahdha n’admet pas que le chef du gouvernement nominé obéisse aux choix et recommandations du président de la République, Kaïs Saied, et pas aux choix des partis qui vont constituer la majorité. La voie d’élections anticipées reste grande ouverte.
Le ton des islamistes est monté, suite à la tenue de leur conseil de la choura, avant-hier, et l’échec de la rencontre tripartite, qui a eu lieu le même soir, entre Fakhfakh, Ghannouchi et Karoui.
En 24 heures, le discours nahdhaoui est passé de : «Le peuple tunisien aura un gouvernement dans les plus brefs délais», annoncé par Ghannouchi, à sa sortie, avant-hier, d’une rencontre avec le président Saied, à : «Ennahdha ne votera pas pour l’équipe Fakhfakh, dans sa composition actuelle», lors de la conférence de presse, tenue hier par le président du conseil de la choura, Abdelkarim Harouni.
Le litige porte, essentiellement, sur le ministère des Technologies de la communication et de l’Economie numérique, tenu par l’islamiste Anouar Maaref, que le chef du gouvernement veut attribuer à un indépendant. Fakhfakh considère que ce département doit sortir des mains des partis.
Le second point de divergence, c’est l’éternelle question d’élargissement de la ceinture politique du gouvernement, en intégrant Qalb Tounes à la majorité gouvernante. Fakhfakh continue de refuser d’associer des personnalités, proposées par Nabil Karoui, à son gouvernement.
Divergences
Derrière ce bras de fer, il y a deux lectures de cette situation politique anormale. En effet, si la Constitution accorde au président de la République le droit de nominer le chef du gouvernement, en 2e chance, suite à l’échec du premier nominé à obtenir la confiance de l’Assemblée, cela ne veut nullement dire, selon les islamistes, que le président Saied dicte ses choix à la personnalité nominée, à savoir Elyes Fakhfakh.
Le rôle du Président se limite, toujours selon Ennahdha, à «choisir la personnalité à même de réunir une majorité, pour dépasser le problème de cette confiance», puisque c’est l’Assemblée qui va lui accorder sa confiance, donc les partis, pas la présidence de la République.
Or, Fakhfakh rend compte quotidiennement au président Saïed de l’avancement des tractations avec les partis. Fakhfakh a même dit qu’il veut former un gouvernement, adossé aux partis qui ont soutenu le président Saîed, lors du 2e tour de la présidentielle.
Le Président dit tirer ces prérogatives des 72%, qui ont voté pour lui. Ennahdha n’admet pas cette approche. Les islamistes essaient néanmoins d’éviter les élections législatives anticipées, entraînant des risques dans une Tunisie traversant une grave crise socioéconomique.
Les issues
Les échos des dernières tractations ne sont pas très prometteuses, vu que les positions de Fakhfakh, voire de Saïed et celles d’Ennahdha, sont éloignées, à moins d’un retournement spectaculaire des positions de l’une ou de l’autre des parties.
Fakhfakh peut prolonger davantage les tractations, puisque les délais constitutionnels de 30 jours vont jusqu’au mercredi 19 février. L’autre option reste de changer, en dernière minute, son équipe et satisfaire Ennahdha, même partiellement.
La dernière option possible préconise que Fakhfakh fasse un forcing, en se disant que les islamistes et les autres partis ne sauraient envisager des élections anticipées. «Le meilleur compromis, c’est lorsque tout le monde est mécontent», rappelle le député de Tahya Tounes, Mustapha Ben Ahmed.
Pour ce dernier, «ce n’était pas admissible de ne pas reconduire des ministres qui ont réussi, en faisant allusion à René Trabelsi, au département du Tourisme, et Sonia Bechikh, à la Santé, juste parce qu’ils ont fait partie du gouvernement Chahed». Ben Ahmed insiste sur l’équité, dans le traitement des ministres de Chahed. L’équation est très compliquée.
Source: El watan/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée