Du fait de la détention depuis cinq semaines de Nabil Karoui, l’Instance électorale ne cache plus ses craintes d’une annulation des résultats par le tribunal administratif, la loi obligeant à une « égalité des chances entre les candidats ».
« Je suis favorable à sa libération. Je l’ai demandée aux autorités, nous organisons actuellement des élections avec un candidat en prison », a mis en garde le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), Nabil Baffoun, évoquant le sort du candidat Karoui. Les membres de l’Instance électorale montent au front médiatique face aux risques de contestation des résultats du second tour. Le tribunal administratif pourrait rendre un jugement invalidant le scrutin pour non-respect de la loi. Ce qui équivaudrait à un retour à la case départ. Situation aggravante : l’actuel président de la République par intérim, Mohamed Ennaceur, doit quitter ses fonctions le 24 octobre. Son intérim ne peut excéder les quatre-vingt dix jours après la mort du précédent président, Béji Caïd Essebsi. En l’absence d’une cour constitutionnelle, par la faute des guerres politiciennes entre partis au pouvoir depuis 2015, les institutions politiques tunisiennes sont au bord de la paralysie.
Le dossier Karoui : « l’instruction n’en est qu’à son début »
Depuis son arrestation à grand spectacle, à un péage d’autoroute, Nabil Karoui dort en prison. Il a décrit au « Point » les conditions de sa détention et le coût politique de sa mise à l’écart. Il ne peut faire campagne, ne peut se réunir avec ses équipes. Plusieurs candidats du premier tour on demandé sa libération (Selma Elloumi, Neji Jalloul, Abdelkarim Zbidi…). La Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme lui a rendu visite à la prison de La Monarguia ainsi que la mission d’observation de l’Union européenne. L’homme d’affaires, suspecté de blanchiment d’argent, a désormais le statut de prisonnier politique. Sans condamnation, il demeure candidat. Un de ses avocats précise que « l’affaire a été confiée au premier juge d’instruction du pôle financier ». Qui a auditionné « Nabil et Ghazi Karoui durant un an ». De témoins, les frères sont devenus des inculpés. « Trois experts judiciaires ont été désignés pour examiner les centaines de documents fournis par la défense » précise Omar Labiadh. Il précise, fait important, que « l’instruction n’en est qu’à son début ».
Un chaos politique qui ne dit pas encore son nom
L’inquiétude grandit quand à l’avenir proche de la transition démocratique. Le risque d’une Assemblée ingouvernable, sans coalition possible, ajouté à une annulation des résultats présidentiels, engendrerait une situation périlleuse pour la Tunisie. Qui dirigera ? Faudra-t-il revoter sous six mois ? Si les députés ne parviennent à élire un président du gouvernement d’ici mars, le président de la république devra reconvoquer les Tunisiens aux urnes. Mais quel président ? Si le tribunal administratif annule l’élection, la situation institutionnelle virera à l’imbroglio. Dans le contexte politique abrasif, entre règlements de comptes entre le chef du gouvernement et le ministre de la défense, au point que ce dernier n’a pas assisté au dernier conseil des ministres, quelle autorité aura la sagesse nécessaire pour calmer les ardeurs ? La formule est un cliché mais elle prend tout son sens : « la semaine de tous les dangers pour la Tunisie démocratique ».
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée